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signer sans le lire. M. Mollien insistant pour lui en donner lecture, ses paroles furent : « Je ne puis pas signer trop vite l’émancipation du trésor. » C’était en juillet 1806.

La caisse de service tint toutes les promesses qu’avait faites M. Mollien, et elle subsiste aujourd’hui sous le nom de caisse centrale du trésor. Elle offrait et continue d’offrir d’autres avantages que nous n’avons pas signalés encore. Les receveurs-généraux furent autorisés à transmettre leurs excédans à Paris au moyen de lettres de change du commerce ; la caisse de service acceptait également les effets de commerce payables dans quelques autres places où les dépenses publiques dépassaient les recettes. Par une combinaison parallèle à celle-ci, elle cédait aux particuliers des mandats payables par les receveurs-généraux qui avaient du surplus. Ainsi tournaient au bien du commerce les fonds disponibles de l’état, et le trésor profitait pour le mouvement de ses fonds des circonstances favorables que présentaient les opérations du commerce. Renommée bientôt pour sa ponctualité, la caisse de service put faire accueillir dans les portefeuilles des capitalistes, qui avaient des fonds attendant un emploi, des effets sur elle-même à une échéance de trois mois à un an. Ce fut le commencement de ce qu’on appelle aujourd’hui les bons du trésor, moyen de trésorerie dont on fait, lorsqu’on le juge à propos, un grand usage.

La caisse de service présenta cette singularité, que les bureaux du trésor, comme s’ils avaient voulu donner un argument à ceux qui reprochent à la bureaucratie un indélébile esprit de routine, s’y montrèrent fort opposés. M. Mollien ne fut pas embarrassé pour surmonter cet obstacle : il organisa des bureaux particuliers pour la caisse de service. Il eut plus de peine à écarter une autre difficulté : on avait beaucoup fait valoir auprès de Napoléon l’idée de confier à la Banque de France les fonctions qu’on retirait aux faiseurs de service, en y ajoutant le paiement des intérêts de la dette publique. On lui citait l’exemple de la banque d’Angleterre, qui est chargée en effet des opérations de trésorerie. L’argument était peu concluant, car quelle ressemblance pouvait-on alléguer alors entre la banque d’Angleterre et la Banque de France ?

Le capital même de la Banque de France ne répondait pas à la grandeur de la tâche à laquelle elle aspirait ; mais la Banque, et surtout M. Cretet, conseiller d’état, qui en était l’organe et qui avait l’oreille de l’empereur, avait sollicité et venait d’obtenir l’autorisation de doubler ce capital et de le porter à 90 millions. Pour qu’elle eût un peu plus le droit d’être appelée la Banque de France, elle devait avoir deux succursales : l’une à Lyon, l’autre à Rouen. Un décret du 22 avril 1806 lui donnait ces proportions nouvelles, et