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mille aventuriers, venus de tous les pays du monde. C’est alors qu’on songea sérieusement à s’ouvrir, soit par un chemin de fer, soit par un canal, une route vers les îles Sandwich et la Californie. Au mois de février 1849, le Tunes appela l’attention des capitalistes sur les avantages d’une route qui traverserait le Nicaragua. Il ajoutait que les États-Unis, abandonnés à leurs propres forces, ne pouvaient accomplir une pareille entreprise. Pendant que ce journal et plusieurs autres approfondissaient la question dans des discussions stériles, mais savamment raisonnées, on apprit que les Américains négociaient avec le Nicaragua. Sur-le-champ on s’écria qu’ils allaient démembrer à leur profit l’Amérique centrale, et le ministère anglais, pour empêcher l’établissement de cette route, eut recours à son expédient ordinaire, qui était de protéger le roi des Mosquitos.

Une compagnie s’étant formée à New-York en 1850 pour la construction du canal, ses chefs, MM. Vanderbilt et White, offrirent aux Anglais d’entreprendre de moitié avec eux ce grand ouvrage et de faire par portions égales le partage des risques et des bénéfices. Cette offre équitable et politique n’eut aucun succès, les Anglais ne voulant pas concourir à une entreprise qui devait surtout profiter à leurs rivaux. Sans s’inquiéter des obstacles que le gouvernement anglais multipliait secrètement autour d’eux, ni de la compassion perfide avec laquelle les journaux anglais inventaient ou exagéraient les dangers du voyage à travers le Nicaragua. Vanderbilt et ses associés firent un traité avantageux avec l’état de Nicaragua, et par leurs efforts réduisirent de dix jours la traversée de New-York à San-Francisco. Aujourd’hui ce voyage ne dure que dix-neuf jours. Deux routes principales se font concurrence pour le transport des marchandises et des passagers qui vont en Californie : c’est le chemin de fer de Panama et la route du Nicaragua. On peut juger de l’importance de ces deux routes par celle du transit. En 1855, sur 42 millions de dollars envoyés de Californie à New-York, 29 millions ont pris la route de Panama, et 13 millions celle du Rio-San-Juan.

Jusqu’ici, il n’y a rien que de pacifique et de légal dans les entreprises des Américains : il faut même avouer qu’ils ont été utiles au monde entier aussi bien qu’à eux-mêmes, en frayant une route au commerce à travers ces fertiles solitudes, et l’influence qu’ils avaient acquise dans l’Amérique centrale n’était que la récompense légitime de leurs efforts; mais la violence devait bientôt détruire ou peut-être compléter l’œuvre de l’industrie. Cependant les premiers torts ne sont pas de leur côté. On a beaucoup parlé dans ces dernières années des usurpations des États-Unis. Cette accusation, souvent très fondée, peut être rejetée par eux sur l’Angleterre, qui les accuse . Le gouvernement anglais, qui avait vu avec jalousie l’annexion du Texas et des Californies, mais qui redoute par-dessus tout une guerre avec les États-Unis, craignit de les voir s’emparer de cette position si importante, où, suivant toute probabilité, sera construit le fameux canal qui doit