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défendre, un client de plus à couvrir de son éloquence ; il est vrai que ce client est le premier et le plus illustre de tous, c’est le pays. Par malheur l’auteur des Mémoires ne paraît point avoir une grande abondance d’informations particulières sur la cause. Que dit donc M. Dupin ? Si on en croit les révélations de l’ancien président, il paraît certain que vers l’année 1827, époque où commencent réellement les Mémoires politiques, il y avait en France un ministère présidé par M. de Villèle, que peu après, à la suite d’élections orageuses, un cabinet plus libéral se formait un instant sous les auspices de M. Martignac, et que bientôt enfin ce ministère ayant lui-même disparu, il s’accomplissait à Paris un événement connu sous le nom de révolution de 1830, événement qui portait au trône une dynastie nouvelle. Du reste, dans ces diverses périodes, il y avait une quantité de discussions législatives auxquelles l’ancien député de la Nièvre prenait la plus honorable part. Est-ce là, dira-t-on, tout ce que peut nous apprendre M. Dupin ? Non, certes ; il révèle en outre que, sous la restauration, il avait refusé d’être sous-secrétaire d’état avec M. de Serre, préférant la profession plus sûre d’avocat, et que plus tard, après la révolution de 1830, il eut plus d’une fois à faire appel à toutes les ressources de son esprit bien connu, pour se défendre d’entrer dans diverses combinaisons ministérielles. Est-ce là tout encore ? En vérité, s’il en est ainsi, les Mémoires de M. Dupin ressemblent un peu à une gazette d’autrefois, quoique le récit de ses tribulations ne manque pas d’un certain comique. La partie la plus intéressante, la plus animée des Mémoires de l’ancien président, est celle qui a trait à ce terrible lendemain de la révolution de juillet. Là, M. Dupin apparaît dans son beau moment, dans son originalité native, orateur incisif et net, luttant avec l’énergie du bon sens contre les intempérances révolutionnaires, déconcertant par un mot les déclamateurs, et prenant part à cette grande défense de la société française, qui cherchait à reconquérir l’ordre sans abdiquer la liberté. Les meilleurs Mémoires de M. Dupin sont ses discours. Sur tout le reste, l’ancien président est trop visiblement préoccupé du soin de mettre en lumière les scènes où figure sa bourgeoise personnalité. « Ce ne sont mes gestes que j’escris, c’est moy, c’est mon essence, » dit Montaigne. M. Dupin fait le contraire, ce qui est assez naturel, l’auteur des Mémoires n’étant pas l’auteur des Essais.

La politique, on l’a vu, est en ce moment peu active et peu animée. Elle est passée des agitations d’un puissant conflit à un calme relatif que ne parviennent à troubler sérieusement ni les difficultés nées de l’interprétation du dernier traité de paix, ni les commotions successives de l’Espagne. Il est des instans où tout se subordonne à une pensée universelle, à une sorte d’entraînement général. L’Europe a aujourd’hui le désir et le besoin de la paix, elle l’a laissé voir assez clairement, et elle s’arrange pour que cette paix ne soit point à la merci de quelque perturbation imprévue. Ce calme sera-t-il de longue durée ? Le voile jeté avec calcul sur les plus grandes