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questions ne se déchirera-t-il pas quelque jour, pour laisser apparaître des complications nouvelles et plus redoutables ? Qui pourrait le dire ? C’est un secret qu’il faudrait chercher dans l’étude de toutes les situations. En attendant, les gouvernemens et les peuples reviennent à leurs habitudes, à leurs préoccupations, à leurs affaires. Les fêtes elles-mêmes se mêlent à la politique. Les fêtes d’ailleurs ont plus de place qu’on ne croit dans la vie des peuples. Elles ont souvent un sens profond, quand elles ne servent pas à faire oublier les choses sérieuses. Au nord vont être célébrées d’ici à quelques jours les fêtes du couronnement de l’empereur Alexandre, qui a attendu la fin de la guerre pour aller accomplir cette cérémonie dans la ville sainte des tsars, à Moscou. Les missions extraordinaires envoyées par les diverses cours de l’Europe sont déjà en Russie. M. de Morny, comme on sait, doit représenter la France, lord Granville représentera l’Angleterre. Le prince Esterhazy, au nom de l’empereur François-Joseph, va déployer la magnificence hongroise aux fêtes du couronnement de Moscou. Des voyageurs de tous les pays assisteront à ce spectacle de l’autocratie russe se couronnant elle-même en présence de l’Europe.

Veut-on voir maintenant sous un autre aspect ce genre de cérémonies publiques ? Il y a quelques jours à peine, la Belgique constitutionnelle célébrait le vingt-cinquième anniversaire de l’avènement du roi Léopold au trône. Ces fêtes commençaient à Bruxelles avec un éclat inaccoutumé ; elles ont duré plusieurs jours, et elles ont continué dans le reste du pays avec un caractère d’effusion sincère et spontanée. La Belgique s’applaudissait elle-même de ces vingt-cinq années passées sans troubles, elle faisait avec raison honneur à la sagesse de son souverain d’un tel résultat. Quoi qu’il arrive en effet, pendant ces vingt-cinq années qui viennent de s’écouler, la Belgique a vu son indépendance nationale s’affermir, ses institutions se consolider, ses intérêts prendre un essor inattendu, ses relations se régulariser. Elle a fait mieux encore. Lorsque les dernières révolutions bouleversaient l’Europe, elle restait calme, se rattachant plus que jamais à la monarchie constitutionnelle, tandis que la république était à ses portes. C’est donc une fête nationale que l’anniversaire de ce jour où la Belgique était définitivement constituée par l’avènement du roi Léopold au trône. Après cette longue période, l’alliance scellée entre le souverain et le peuple est restée dans toute sa force. Les Belges ont voulu donner un sens politique à leurs démonstrations ; ils n’ont point tort vraiment, à la condition de ne pas oublier que leur bonne fortune est due uniquement à un juste et sage esprit de conservation dans la pratique des institutions les plus libres du monde.

L’Italie est loin d’offrir ce spectacle de fêtes et de solennités populaires. Il est, disions-nous, des états de la péninsule où se poursuivent lentement de laborieuses et difficiles négociations, qui n’ont d’autre objet que d’incliner l’esprit des gouvernemens vers une politique plus libérale, plus conciliante. C’est là encore une des suites des résolutions adoptées dans le congrès de