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Paris. La France et l’Angleterre, comme on sait, ont réuni leurs efforts pour exercer une influence modératrice à Naples ; elles ont fait entendre les mêmes représentations et les mêmes conseils. Au premier abord, le gouvernement des Deux-Siciles, s’abritant derrière son indépendance, s’est montré assez peu disposé à écouter les suggestions des deux puissances. En réalité, de quoi s’agissait-il ? Il s’agissait, non certes de rétablir un gouvernement constitutionnel, mais de tempérer un système de rigueurs plus dangereuses qu’efficaces, d’imprimer à l’administration de la justice et à la police une direction plus tolérante, d’assurer enfin aux populations les bienfaits d’un régime bienveillant et protecteur. Ce que le cabinet de Naples a refusé d’abord à la France et à l’Angleterre, l’accordera-t-il à l’Autriche, qui est intervenue à son tour, sinon absolument dans le même sens, du moins pour suggérer des modifications utiles ? Le roi Ferdinand s’est montré, dit-on, plus porté à écouter des conseils venant du cabinet de Vienne. L’essentiel est que le résultat soit obtenu, et qu’une politique plus modérée, plus clairvoyante, dissipe peu à peu cette fermentation qui est une menace incessante pour la sécurité de tous les états italiens et pour l’ordre européen lui-même. Les passions révolutionnaires ne seront point désarmées sans doute, mais elles auront moins d’alimens et moins de prétextes, et c’est avec une autorité plus libre, plus incontestée, que les gouvernemens pourront les contenir.

Au milieu de tous les états de la péninsule, le Piémont reste dans sa situation exceptionnelle, ayant ses vues et ses desseins, se conduisant par des voies qui lui sont propres. Dans deux circonstances récentes, la politique piémontaise s’est montrée sous son double aspect. Il y a peu de jours, une échauffourée, qui n’a pu devenir une insurrection, éclatait sur les confins du duché de Modène, à Massa et Carrare. Par une belle nuit, soixante insurgés environ partaient de la ville piémontaise de Sarzana et se dirigeaient vers la frontière du duché de Modène. Ils s’emparaient par surprise du poste de douanes de Parmignuola ; puis, à la première rencontre de quelques soldats, la bande se dispersait, quelques insurgés étaient arrêtés, les autres prenaient la fuite, et tout était fini. Qui avait organisé cette tentative ? Elle avait été précédée quelques jours avant de proclamations de M. Mazzini : c’était l’éclair avant la tempête. Ce qu’il y a de particulier, c’est que les défenseurs de ce puéril mouvement ont prétendu établir une secrète solidarité entre l’insurrection de Massa et le gouvernement piémontais. Par le fait, ce gouvernement prenait de son côté toutes les mesures pour disperser l’échauffourée, sans chercher du reste à lui donner une importance qu’elle n’avait pas. Le cabinet du roi Victor-Emmanuel ne peut qu’être naturellement conservateur en présence des tentatives révolutionnaires, et il remplit un devoir en empêchant sur son territoire les conspirations contre d’autres états. Veut-on voir le sentiment politique du Piémont éclater dans sa sincérité et dans sa force ? Il y a peu de temps, on le sait, le gouvernement prenait la résolution de fortifier Alexandrie, et il ouvrait un crédit pour commencer