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scrite parmi les charges du Mexique ? Ce sont tous les gouvernemens qui se sont succédé. D’autres gouvernemens viendront et reconnaîtront de nouvelles dettes qu’ils ne paieront pas davantage, parce qu’ils ne le pourront pas, parce que toute la vie de ce malheureux pays consiste depuis longtemps à aggraver ses charges et à épuiser ses ressources en accumulant ses misères.

Il y a un an que le Mexique se débat dans une révolution qui n’est que la trop simple expression de l’anarchie profonde dans laquelle le pays est tombé. Où est le gouvernement ? où est le lien de toutes ces immenses provinces en dissolution ? On ne saurait trop le dire. Il y a à Mexico un président, M. Comonfort, porté au pouvoir par l’insurrection qui a renversé Santa-Anna. M. Comonfort inclinerait peut-être vers un système de modération, s’il n’était poussé et menacé par un congres très démocratique et tout occupé à faire des lois qui ne seront jamais exécutées, qui ne pourraient l’être qu’à la condition de précipiter la décomposition de la république mexicaine. M. Comonfort d’ailleurs, d’après une combinaison assez particulière, n’est qu’un président substitué ; il tient la place du général Alvarez, le véritable chef de la dernière révolution, qui s’est retiré dans le sud, et qui vit au milieu de ses Indiens, Indien lui-même. Dans les premiers temps, lorsqu’il fut nommé président, Alvarez allait à Mexico, où il campait avec ses pintos déguenillés, qui faisaient frémir toute la population cultivée ; mais bientôt cette vie lui pesait, et il reprenait le chemin de l’état de Guerrero, son vrai domaine, laissant le pouvoir à M. Comonfort. Au nord, un autre chef, M. Vidaurri, règne en maître, à peu près indépendant du gouvernement, ne reconnaissant aucune autorité, décrétant la réunion de diverses provinces. M. Vidaurri est très soupçonné de frayer la route au protectorat des États-Unis. Dans presque tous les états, sauf les plus rapprochés de Mexico, le pouvoir central est sans influence et sans action. Chacun fait des lois selon son caprice. C’est au milieu de cette anarchie universelle que le congrès de Mexico travaille sérieusement à constituer la république, et proclame dans ses paroles et dans ses actes l’avénement de la liberté et du progrès. La réalité n’est point malheureusement dans les déclamations pompeuses des licenciés du congrès de Mexico ; elle est tout entière dans cette désorganisation complète à la faveur de laquelle la barbarie envahit chaque jour ce qui reste de civilisation et ouvre la route aux conquérans anglo-américains. La grande innovation qui vient d’être proclamée au Mexique comme le souverain rem"de à tous les maux, c’est la dépossession de l’église et la vente des biens du clergé. Or, il ne faut point s’y tromper, ce n’est là qu’un élément de dissolution de plus. C’est le principe de nouveaux déchiremens, et peut-être n’est-il point difficile de prévoir quelque révolution prochaine qui ne sera elle-même qu’une étape dans cette voie de décomposition.

CH. DE MAZADE.


V. DE MARS.

V. de Mars