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calmes et ne semblaient guère heureux de retourner dans leurs foyers.

J’atteignis bientôt la région des couvens, c’est-à-dire les Carpathes, et je me rendis d’abord au couvent de Niamtzou, situé dans ces montagnes, comme celui de Seco, qui en dépend. Pour y arriver, il faut passer plusieurs fois à gué le cours sinueux et rocailleux de la Niamtzou, qui coule au pied de collines à pic, dont le sommet porte encore les ruines du château d’Étienne le Grand. Une brillante hospitalité m’attendait à Niamtzou. Après avoir pris un excellent repas pendant lequel je fus servi par des moines, je couchai dans une chambre où étaient les portraits des derniers abbés et de l’empereur Nicolas. À mon réveil, je fis le tour da couvent principal, le long d’une galerie de bois qui me permit d’admirer à mon aise les sombres sapins et les gorges profondes qui dominent Niamtzou ; puis j’assistai au service divin, qui se fait en moldave et en russe, et on me donna l’Évangile à baiser.

Niamtzou et Seco sont deux monastères, ou mieux deux agrégations de religieux comptant plus de deux mille frères. Ces deux vastes établissemens produisent tout ce qui est nécessaire à la consommation des moines. Les revenus de ces deux couvens dépassent 70,000 ducats, environ 840,000 francs. Niamtzou était sous la protection spéciale de l’empereur de Russie, et les moines russes y sont en assez grand nombre pour former un parti ou une faction russe en opposition au parti moldave. Les terres des couvens de Niamtzou et de Seco sont très étendues. Le premier de ces couvens faisait, lors de ma visite, bâtir dans la ville de Niamtzou, très voisine du couvent, un fort bel hôpital qui devait contenir soixante lits. Tout voyageur a droit à être hébergé pendant trois jours dans ce couvent, et parmi les bâtimens qui couvrent le vaste espace où demeurent les moines, on remarque une auberge pour les pauvres. Je fus frappé du peu d’habitude que les moines de ce couvent avaient de la langue grecque. Un seul moine put me servir d’interprète dans ma conversation avec le supérieur, qui ne parlait que le roumain, que je ne savais pas suffisamment à cette époque. Je passai dans l’église quelques instans à entendre chanter des hymnes en esclavon, en moldave et en grec. Les moines avaient en général de belles voix, mais ils chantaient souvent du nez ; leurs physionomies étaient expressives ; plusieurs portaient de longues chevelures noires avec des reflets roux, et qui leur tombaient jusque sur les reins. Niamtzou possède une imprimerie d’où se répandent, dans tous les pays roumains, des livres d’église, d’éducation, et les traductions des saintes Écritures. La vie des moines de Niamtzou et de Seco ne passe nullement pour exemplaire, et le voisinage de nombreux couvens de femmes, la liberté de mouvemens laissée aux moines.