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cette année que des ceps de vigne rudement frappés les années précédentes sont exempts aujourd’hui des attaques de l’oïdium, et montrent une puissance de végétation aussi énergique qu’à toute autre époque. En présence de pareils faits, la théorie de la dégénérescence ne peut plus se soutenir, car on ne saurait admettre que des plantes réellement dégénérées et graduellement affaiblies pussent reprendre leur vigueur primitive. Le mot par lequel on prétendait définir leur état n’aurait plus de sens, puisqu’un état passager est contraire à l’idée d’un mal profond et persévérant qu’impliquerait la dégénérescence[1].

A côté des faits généraux que nous venons d’exposer, d’autres faits non moins significatifs prouvent que la maladie de la vigne s’explique par une cause purement externe. On a vu, par exemple, dans diverses cultures horticoles les sarmens du même pied de vigne étendus sur les deux faces d’un mur, les uns fortement atteints sur les fruits et les feuilles qu’ils portaient, tandis que les autres, développés dans une direction différente, avaient parcouru toutes les phases d’une végétation luxuriante et donné une abondante fructification. Partout aussi on a pu remarquer, durant le cours des huit dernières années, des pieds de vignes alternativement atteints : une année ménagés, l’année suivante ils offraient successivement l’aspect d’une végétation souffrante, improductive, et en- suite les caractères opposés d’une végétation normale. Si enfin, en voyant des attaques réitérées tous les ans affaiblir et même faire périr quelques vignes, si, dis-je, on a cru pouvoir en conclure l’existence d’une affection primitive, interne, qui expliquait un pareil dépérissement, c’est que l’on ne tenait pas compte des résultats semblables que ne pouvait manquer de produire toute cause externe de nature à priver une plante phanérogame quelconque des fonctions de ses organes foliacés.

La théorie malencontreuse de la dégénérescence des vignobles avait eu pour conséquence d’encourager un grand nombre de paysans dans leur apathie naturelle et de les détourner de toute lutte contre les progrès d’un mal réputé invincible. Les incontestables succès des viticulteurs mieux inspirés et la disparition du fléau sur de grandes étendues, en démontrant que la cause du mal était externe, ont ramené la confiance dans les moyens dont l’homme peut disposer pour protéger ses cultures.

Nous indiquerons les principaux procédés qui se sont montrés

  1. Un très bon juge en cette matière, M. Le comte Odart, est venu cette année même déclarer devant la Société centrale d’Agriculture que jamais il n’avait cru à ce dépérissement des vignobles, et qu’à voir dans ses domaines et chez les autres propriétaires de son canton la richesse luxuriante de la végétation, personne ne croyait à une altération définitive des cépages.