Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou par le frottement d’un tissu fin. Cette opération toute mécanique, répétée plusieurs fois lorsque de nouveaux germes de la cryptogame apparaissent, suffit pour prévenir l’altération de l’épidémie, des feuilles, des tiges et de la pellicule du raisin; elle exigerait évidemment une main-d’œuvre trop considérable pour donner des résultats économiques, bien que plusieurs personnes en aient à différentes époques proposé l’application en grand[1]. En tout cas, l’efficacité constante de ces moyens purement mécaniques, lorsqu’ils sont très soigneusement employés, a démontré une fois de plus que la cause du mal est externe, et que les ceps de vigne, débarrassés assez tôt des étreintes de la végétation pernicieuse, ne donnent plus aucun signe d’une dégénérescence quelconque.

Les procédés économiques les plus efficaces et les plus répandus se fondent sur l’emploi du soufre, qui paraît attaquer directement l’oïdium dès qu’il le touche. M. Vergnettes-Lamotte, savant viticulteur, a communiqué ce fait intéressant à la Société centrale d’Agriculture en août 1853[2]. L’origine de l’application du soufre très divisé ou à l’état de fleur de soufre remonte à l’année 1846 : un jardinier anglais de Leyton, M. Kyle, en eut la première pensée, et en fit avec quelque succès la première expérience dans les serres; mais l’emploi du soufre n’eut une véritable importance qu’à dater du jour où un horticulteur de Montrouge, M. Gontier, fit connaître un ustensile simple et peu coûteux, à l’aide duquel on parvient, sans beaucoup de main-d’œuvre, à saupoudrer de fleur de soufre une grande surface. Une modification curieuse fut bientôt apportée chez nous à cette méthode par M. Bergmann, jardinier en chef chez le baron de Rothschild, à Ferrières : il parvint à détruire l’oïdium, qui avait envahi les vignes d’une serre chaude, tout simplement en saupoudrant avec la fleur de soufre les tubes dans lesquels circule l’eau chaude destinée à élever la température de la serre. Un grand nombre

  1. M. Paillet, l’un de nos plus habiles horticulteurs, est parvenu à enlever l’oïdium en effectuant par le jet d’une pompe un lavage avec frottement énergique des grappes, feuilles et sarmens récemment envahis. Plusieurs primeuristes parviennent à éliminer de leurs treilles la végétation parasite en enlevant à la main et séparant de chaque grappe les grains de raisin les plus petits ou les moins avancés sur lesquels la cryptogame se fixe et se développe de préférence.
  2. M. Marès, secrétaire de la Société d’Agriculture de Montpellier, à qui l’on doit les observations les plus approfondies relativement à l’action du soufre et l’application heureuse de cette substance sur une surface de 72 hectares, a soumis également à une expérimentation sérieuse divers autres procédés chimiques, notamment le lavage des sarmens avec une solution de sulfate de cuivre, un liquide alcalin et savonneux, un lait de chaux, le goudron des usines à gaz, le gaz acide sulfureux que produit la combustion du soufre, la chaux vive en poudre, enfin le soufra à l’état libre ou mélangé avec des poussières inertes ou combiné (sulfure de calcium). Il a essayé avec le même soin les différens procédés de culture proposés, et n’a obtenu de résultats économiques qu’en appliquant la fleur de soufre.