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terne, et son goût peu agréable ; aussi réserve-t-on les vins de ce genre pour la distillation. Les alcools rectifiés que l’on en peut obtenir ne diffèrent pas des produits ordinaires ; on ne les en sépare donc pas. Aucun des vins provenant de raisins plus ou moins fortement attaqués n’a manifesté d’influence défavorable sur la santé des personnes qui en ont fait usage. On a au contraire attribué au soufrage un inconvénient plus apparent que réel : les raisins qui ont échappé aux étreintes de l’oïdium, grâce aux soufrages réitérés, communiquent effectivement une odeur sulfurée notable au moût et au vin peu de temps après le soutirage ; mais alors le moment de consommer ce vin n’est pas encore venu, et l’on a constaté que l’odeur particulière due à la présence du soufre disparaît après un certain nombre de soutirages au clair. En définitive, aucune dépréciation réelle ne paraît à craindre sur les vins provenant de vignes soufrées.

Plusieurs faits remarquables se sont manifestés à la suite des désastres qui pendant plusieurs années avaient frappé les vignobles. L’équilibre s’étant trouvé rompu entre la production et la consommation du vin, de l’eau-de-vie et des alcools, une hausse considérable dans les cours de ces denrées fut la conséquence naturelle de la situation des choses : les prix de l’alcool furent doublés, triplés, et s’élevaient encore, lorsque plus de cent fabriques de sucre indigène transformées en distilleries, la distillation en grand des racines tuberculeuses, de l’asphodèle et de plusieurs autres matières premières nouvelles, vinrent combler le déficit, limiter la hausse, et bientôt amener une baisse notable dans les produits alcooliques.

Et cette situation relativement aux vignobles ne fut pas changée, lorsque la prohibition de distiller les grains et les pommes de terre hâta l’établissement de nombreuses distilleries agricoles de betteraves qui déterminèrent bientôt une transformation nouvelle des distilleries manufacturières en sucreries[1]. Une partie des vins destinés autrefois à l’alambic furent préparés en vue de la consommation directe ; on se préoccupa d’améliorer quelques cépages, afin d’en obtenir des vins potables et de meilleure qualité.

Une autre conséquence de la cherté des vins et même de la bière, par suite de la hausse soutenue des grains, a été la fabrication dans les villes d’une foule de boissons hétérogènes exemptes d’insalu-

  1. Ce nouveau changement de direction fut tellement rapide, que le concours des sucreries réinstallées a plus que doublé la production du sucre indigène. Elle s’élève effectivement aujourd’hui à 90,632,658 kilos, tandis qu’à la même époque à peu près (1er juillet) de la campagne précédente, la quantité totale obtenue n’était que de 44,114,173 kilos. Malgré l’accroissement considérai le de la production du sucre en France, les cours s’élèvent par suite d’un déficit dans les récoltes coloniales.