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qu’il suffit de transcrire[1]. C’est la morale de son livre et le plus bel éloge qu’on en puisse faire :

« L’Europe le sait maintenant, la France est moins changée qu’on ne disait. On l’a reconnue en la voyant combattre. Ces générations élevées dans les orages de la politique ne.se sont pas, à l’épreuve, montrées moins faites pour le métier des armes. Les leçons de cette tribune tant outragée n’ont point, ce semble, énervé la nation, et, pour avoir été formées sous un régime de liberté civile par des chefs esclaves de la loi, nos légions d’Afrique n’ont pas été trouvées plus pauvres en vertus guerrières. En présence de l’univers qui les contemple, qui osera dire que la France ne puisse être encore tout ce qu’elle a été? Ce ne sont pas du moins ses vaillans alliés. Demandez-leur s’ils ne croient pas avoir combattu à côté de leurs égaux. S’il y a des Français qui tiennent à le leur contester, on aimerait à les entendre et à savoir d’eux pourquoi la France ne serait pas digne de la liberté. »

Nous ne presserons pas la question que fait ici M. de Rémusat; nous la croyons toujours à l’ordre du jour, soit qu’on la pose, comme il le devait dans son ouvrage, avec sagesse, talent, patriotisme, soit qu’on n’en parle pas, et qu’on en marque la place par le silence. Quelques personnes voudraient bien la supprimer tout à fait, l’anéantir par voie d’extinction et d’oubli; mais personne n’oserait la nier absolument. On parle toujours des conquêtes de 1789; or par ce mot on n’entend pas sans doute exclusivement les grandes mutations matérielles, les déplacemens de force et de richesse qui suivirent de si près cette époque ; on conçoit aussi, on désigne, on suppose les principes de justice politique, les garanties de droit public et privé qui furent alors proclamées, et dont l’Angleterre avait eu d’avance et gardé si bonne part : c’est à ce titre que l’ouvrage de M. de Rémusat n’est pas moins une salutaire et noble leçon qu’un vivant tableau.


VILLEMAIN.

  1. L’Angleterre au dix-huitième siècle. Introduction, p. 95 et 96, t. Ier.