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brûlés sur une place de la Cité. On ne sait pas bien jusqu’où s’étendait la témérité de leur hétérodoxie. Cependant la présence successive en Angleterre d’Ochin, de Pierre Martyr et de Jean de Lasco, qui furent admis quelque temps à l’enseignement ou à la prédication, devait enhardir les esprits et propager quelques opinions nouvelles. On regarde un prêtre, nommé John Assheton, comme le premier qui ait encouru, sous l’archevêque Cranmer, la sévérité des sentences ecclésiastiques pour avoir méconnu la Trinité. Il en fut quitte pour une rétractation. Pendant quelque temps, dans la sphère élevée de la société et du savoir, une certaine liberté de penser fut soufferte; mais dans le peuple elle conserva tous ses dangers. Une pauvre femme du Kent, Jeanne Bocher, zélée protestante, fut brûlée pour des opinions qui paraissaient toucher à l’arianisme, et un an après elle, un Mayençais réfugié, George van Parris, subit la même peine (1551). Sous le règne affreux de la reine Marie, les docteurs étrangers, si bien accueillis d’abord, reprirent le chemin de l’exil, et le nom de Patrick Patingham est celui du premier Anglais pour qui l’arianisme ait été déclaré crime capital. Il fut brûlé à Uxbridge le 20 août 1555, peu de mois avant cet archevêque Cranmer qui forçait les ariens à choisir entre le feu et l’abjuration. Quatre autres prélats montèrent avec Cranmer sur le bûcher.

Elisabeth rouvrit d’abord les églises étrangères, refuge de l’esprit de libre croyance, et, sans être beaucoup plus tolérante d’intention ni de principe, elle toléra davantage. Ce n’est qu’après dix-sept ans que le bûcher se ralluma dans Londres et consuma de malheureux anabaptistes. Un laboureur du Norfolk, Matthew Hamont, partagea leur sort (1579), et les anti-trinitairiens le réclament comme un des leurs. Nous ne pouvons transcrire ici leur triste martyrologe; mais quand le premier des Stuarts parvint au trône, sa théologie et son absolutisme, également pédantesques, ne purent que l’enhardir dans ses mauvais penchans, et de nouveaux supplices signalèrent son orthodoxie. Quinze hérésies damnables sont énoncées comme motifs dans le mandat infâme par lequel Jacques Ier, en qualité de défenseur de la foi catholique, charge son chancelier Ellesmere de faire brûler Edouard Wightman, à la diligence du shériff de la cité de Lichfield. Cet ordre et celui que rendit contre Barthélémy Legate le même prince, docte protecteur de Bacon, sont, dit-on, les deux derniers warrants de hœretico comburendo qu’un roi d’Angleterre ait signés (1612).

Jacques Ier avait bien d’autres errans que les sociniens à faire rentrer dans la voie étroite. Dans l’origine, il leur assimilait les disciples d’Arminius, dont jusque sur le continent il poursuivait la condamnation. Tout ce qui s’écartait des canons qu’il avait lui-même promulgués à son avènement était à ses yeux outrage à son savoir