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plus mesuré et plus résolu, avait formé l’église presbytérienne, c’est-à-dire une église exclusive et démocratique à la fois, constituée fortement sur la base de l’égalité dans l’unité. Au début du long parlement, presque toute l’Angleterre était encore épiscopale ou puritaine. Le presbytérianisme envahit tout à coup les deux chambres et s’unit aux idées de liberté constitutionnelle. Il gagna les premiers auteurs de la révolution, ces futurs adversaires de Cromwell, tandis que la résistance monarchique de l’église établie poussait les esprits à la révolte et accroissait l’éparpillement des élémens de la foi chrétienne. Un écrivain presbytérien, le révérend Thomas Edwards, comptait dès l’année 1643 seize sectes en dehors de la sienne, et voyait dans leur existence le symptôme de la gangrène qui décomposait l’église. Quoique cette division fût trop avancée, quoique ce mouvement fût trop puissant pour que l’uniformité religieuse pût être rétablie d’autorité, la tolérance forcée du pouvoir n’allait pas jusqu’à embrasser les sectes soupçonnées de doute sur la Trinité. Tous les dissidens s’accordaient pour détester l’arianisme et le socinianisme, et il n’y avait pas sûreté à en professer les principes. C’est peut-être dans le parti du roi, parmi les défenseurs modérés du trône et de l’église, qu’il pouvait seulement se rencontrer le plus d’indulgence pour ces témérités, que leur rôle officiel les obligeait à maudire. Il y avait autour de Charles Ier des esprits éclairés à qui le fanatisme inspirait une aversion profonde, à qui l’obstination pointilleuse des sectaires paraissait ridicule, et qui, par réaction contre le puritanisme ou le calvinisme outré, inclinaient vers les idées qu’on aurait appelées plus tard philosophiques. Là se formait obscurément, sans s’afficher encore, le latitudinarisme, qui, réunissant le respect de la foi à celui de la raison, devait jouer un si grand rôle à la fin du siècle. C’était dès lors un parti naissant dont la sagesse ne pouvait éviter d’être méconnue, ni la supériorité d’être calomniée. Le reproche ou le soupçon d’arianisme ne lui était pas épargné. Il atteignait jusqu’au docteur Chillingworth, encore aujourd’hui si vénéré du christianisme anglican, et contre lequel je n’ai trouvé que des allégations mal établies. Il s’adressait, ce semble, avec plus de justice à lord Falkland, qui peut-être avait devancé les lumières aussi bien que les sentimens des auteurs de la révolution de 1688, et poussé l’impartialité d’un esprit libre jusqu’aux doctrines de Locke et de Burnet, ou même de Somers et de Shaftesbury.

Arminianisme, latitudinarisme, unitairianisme, pourraient bien être trois puissances successives de la même quantité, ou trois quantités liées en progression croissante par la même raison géométrique; mais enfin cette disposition d’esprit ne s’avouait pas. Les assemblées ecclésiastiques la dénonçaient au parlement. Un de leurs membres les plus actifs, Francis Cheynell, publiait, dès la naissance des troubles,