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mables fous comme moi. Nous souperons au premier jour. L’été nous irons à Bade, c’est la mode, le salon de conversation est délicieux. L’automne nous chasserons. Je te mènerai dans ma terre de Marvejols. J’ai là mille arpens de bois et une meute de chiens anglais… Tu m’en diras des nouvelles ! Ah ! la bonne vie ! Tu auras une maison… nous y dînerons ; surtout ne va pas oublier le fumoir. Point de fumoir, point d’amis. Quelques bals, dont je préparerai les élémens, mettront tes salons en relief et t’ouvriront les portes de vingt châteaux… Nous aurons les courses du printemps. Je serai ton parrain sur le turf, et si tu veux donner un peu d’éclat à ton nom, tu feras courir. Rien n’est mieux porté aujourd’hui ; le nom de lord Seymour éclipse le nom de Raphaël.

L’arrivée de M. de Courtalin, conduit par M. Closeau du Tailli, délivra Maurice de cette éloquence.

Tandis que Maurice recevait les félicitations de toutes les personnes réunies à la Colombière, Laure était seule avec Sophie, qui s’occupait des minutieux détails d’une toilette où la simplicité et la modestie devaient se marier à l’élégance. Comme Laure nouait un ruban, Sophie lui saisit la main.

— Qu’est-ce que cela ? dit-elle en montrant une bague passée au doigt de Laure. Je ne te connaissais pas ce bijou.

— C’est une opale, répondit Laure en rougissant.

— Je vois bien que c’est une opale, répondit Sophie… Tu l’as donc depuis peu de temps ?

Laure tira la bague de son doigt, et la présentant à Sophie :

— Regarde-la bien, dit-elle ; je la porte, mais elle n’est pas à moi.

— Que veux-tu dire ?

— Elle m’a été remise par quelqu’un qui est venu hier ici…

— M. Maurice ?

— Cette bague lui vient de sa mère… Il m’a chargée de te l’offrir… Si tu l’acceptes, ce sera la preuve que ton cœur est à lui… Il a, tu le sais, le consentement de ta famille, mais il ne veut te devoir qu’à toi-même.

Sophie prit la bague et la mit à son doigt.

— Ah ! mon Dieu ! dit-elle, c’est comme dans un roman ; ces artistes ont de singulières idées !

Elle était habillée et se mirait dans une glace.

— Cette rose-là à ma ceinture fait très bien ; on dirait qu’elle est mise par hasard, reprit-elle.

Elle sortit et prit le bras de Laure.

— Tu crois donc qu’il m’aime ? ajouta-t-elle.

— Oui, je le crois.

Laure quitta le bras de Sophie au bas du perron et se sauva dans