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favorisées, dit-on, par le prince Albert ; mais elles ne sauraient plaire à l’église anglicane. Le livre de M. de Bunsen exhortait l’église à s’affranchir de la tutelle de ses évêques. Un chanoine de Westminster, M. Chr. Wordsworth, neveu du poète, a repoussé poliment ces conseils ; cependant il est d’accord avec M. de Bunsen pour attribuer les Philosophumena à saint Hippolyte. Il ne veut pas que les invectives contre l’évêque de Rome servent à ébranler l’autorité des évêques, mais il veut bien qu’elles soient tournées comme des machines de guerre contre le pape. Contre les évêques anglicans, le système de M. de Bunsen ne vaut rien ; contre le pape, il est excellent. M. Wordsworth n’a guère apporté d’argumens nouveaux ; il s’est contenté d’écarter ceux qui étaient trop faibles. En Allemagne, les théologiens se sont partagés entre saint Hippolyte et le prêtre Caïus, auteur de divers ouvrages, et qui est connu dans l’histoire ecclésiastique. Personne ne songe plus à mettre les Philosophumena sur le compte d’Origène, comme l’a fait M. Miller, quand il les publia pour la première fois en 1851. Si le prêtre Caïus en est l’auteur, les difficultés sérieuses disparaissent, il n’y a plus de questions de parti. Quoi qu’il en soit, il y a trop de gens intéressés à en faire honneur à Hippolyte ; Hippolyte, malgré la logique et la vraisemblance, demeure pour beaucoup de personnes l’interprète et le champion du parti protestant. Au reste, il y a des catholiques qui tiennent pour saint Hippolyte. Le docteur Dollinger, professeur à l’université catholique de Munich, connu par ses travaux sur l’histoire ecclésiastique, a prétendu retrouver dans Hippolyte l’auteur des Philosophumena ; mais il distingue dans Hippolyte deux personnages, le partisan des idées novatiennes, sectaire, schismatique et premier anti-pape, et le saint docteur qui, à la fin de sa carrière, a déploré ses erreurs et a tout effacé par le martyre. Ce parti moyen est aussi difficile à soutenir que le parti extrême, et nous savons trop peu de chose d’Hippolyte pour décider s’il y en a un ou deux. À quoi bon d’ailleurs ces expédiens pour écarter les périls d’un système qui n’est qu’une hypothèse ? Quand on aura prouvé qu’on a Hippolyte pour soi, il sera temps d’examiner si Hippolyte a pu se tromper. En attendant, ce qu’il y a de plus certain sur la question, c’est qu’on ne sait pas quel est l’auteur des Philosophumena, et il n’y a que ceux qui veulent se passionner qui prétendent le savoir.

Il restait un bon parti à prendre, c’était de profiter des nouveaux renseignemens contenus dans le manuscrit du mont Athos, et d’ajouter à l’histoire de l’église au IIe et au IIIe siècle les faits restés inconnus. C’est ce que vient de faire M. Cruice dans son Histoire de l’Église de Rome. Détails nouveaux sur les opinions, les mœurs, la vie du temps, une notice curieuse, quoique animée d’un mauvais esprit, sur le pape Calliste, une quantité de

faits sur les sectaires, les philosophes, sur l’église et sur l’état de la société, voilà en définitive les élémens acquis à l’histoire, et qu’il s’agissait de mettre en œuvre. On ajoutera désormais à certains passages connus de Lucien l’article du livre des Philosophumena sur les fourberies que les magiciens employaient pour tromper le peuple. On y verra comment, sans se brûler, ils mettaient la main dans la poix bouillante ou marchaient sur des charbons

ardens ; on y connaîtra les formules singulières des enchantemens, les évo-