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las tomadas de las manos, l’autre était l’acte définitif nommé velacion. À cette cérémonie, les futurs époux sont enveloppés d’un voile, et le prêtre récite sur eux des prières. Les parens et les témoins portent des cierges allumés nommés vela, du nom même de la cérémonie, velacion. Puis le marié dépose sur un plat des pièces de monnaie; le prêtre les bénit et les rend au marié, qui les donne à l’épouse, comme prix de sa liberté. En réalité, c’est la dernière cérémonie qui est regardée comme le vrai sacrement. Souvent des personnes dûment mariées m’ont demandé de les marier à d’autres, sous prétexte qu’elles n’avaient été unies que par la prise de mains.

Avant la guerre de l’indépendance mexicaine, les rancheros recevaient assez régulièrement la visite des missionnaires espagnols; mais le petit nombre des missionnaires et les énormes distances rendaient ces visites rares et courtes. Ils ne pouvaient donner que l’instruction la plus élémentaire en l’appropriant à leur intelligence, et frapper leurs sens par la forme du culte plutôt que leurs esprits par les enseignemens. Quand les missionnaires espagnols cessèrent de venir, tout ce qui tenait au dogme et à la morale s’obscurcit; l’ignorance, les passions, la nonchalance, eurent bientôt fait oublier les leçons des missionnaires, et les pratiques extérieures revinrent comme par un penchant naturel vers l’idolâtrie et la superstition. L’aspect de cette décadence religieuse ne me découragea pas : je comptais que Dieu bénirait mes efforts, comme il l’avait fait dans ma première mission à Castroville; mais la tâche était considérable.

L’évêque de Galveston m’avait envoyé un confrère. C’était un Irlandais d’une piété exemplaire et d’un zèle infatigable; par malheur, il n’était plus assez jeune pour supporter le climat du Mexique et les fatigues de notre ministère; à chaque instant, ses forces le trahissaient. Peu de temps après son arrivée, il fut malade d’une fièvre violente qui l’obligea à garder le lit. Je dus partager mes occupations, déjà bien nombreuses, entre les soins qu’exigeait l’état de mon confrère et ceux que réclamaient de tous côtés nos paroissiens. Un dimanche, j’étais allé prêcher et officier à dix milles de Brownsville, au rancho de Santa-Rita; j’étais revenu à la ville, souffrant et fatigué, pour y dire la grand’messe selon mon habitude. J’eus peine à la terminer, j’avertis l’assemblée qu’une subite indisposition me mettait dans l’impossibilité de faire l’instruction ordinaire, et je n’étais pas rentré dans la sacristie, que je perdis connaissance. Je repris mes sens sur un lit, entouré de personnes compatissantes et empressées. À ce moment, Isidore m’apporta des lettres de France; je les lui pris des mains : hélas! elles m’annonçaient la mort de trois membres de ma famille. La douleur m’ôta la force de pleurer; une fièvre violente se déclara. Un jeune et pauvre Irlandais nommé Phillip abandonna