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féré avec le signe de la croix, ou quelle est l’attitude la plus convenable pour recevoir l’eucharistie, et en voilà pour des siècles de controverse. Toujours le combat, la lutte active.

Ainsi, dans les mœurs et dans les habitudes de l’Anglais, dans sa vie intellectuelle, et même dans les manifestations les plus élevées du génie national, se retrouvent les qualités natives propres aux races barbares. La civilisation les a transformées et les a appliquées à des objets dignes d’être conquis, à un but digne d’être poursuivi. Nous ne les reconnaissons plus aujourd’hui sous cette forme que leur ont donnée le christianisme et la richesse ; mais lorsque par hasard le voile de la civilisation se déchire, nous apercevons leurs traits terribles. Dans les classes supérieures de la société, parmi les hommes d’un âge mûr et d’un esprit cultivé, ce n’est qu’à force de gratter l’Anglais qu’on retrouve le Saxon, pour employer l’expression énergique que Napoléon appliquait aux Russes ; mais dans les classes populaires, chez les hommes dont l’âge n’a pas encore amorti le tempérament, dans les manifestations des mauvais penchans de notre nature, cette vigueur barbare se découvre absolument à nu, sans souci de se dissimuler.


« Cette nation, dit Emerson, a une nature épaisse, acre, animale, que n’ont pu adoucir des siècles de christianisme et de civilisation. Alfieri disait que les crimes de l’Italie étaient une preuve de la supériorité de la race. On pourrait dire de l’Angleterre que c’est une montre qui se meut sur un pivot de diamant. Les Anglais non cultivés sont un peuple brutal. Les crimes mémorables inscrits dans leurs registres judiciaires ne laissent rien à désirer pour la froide méchanceté. Cher au cœur anglais est un beau combat, bien soutenu. La brutalité des mœurs dans les classes inférieures se révèle par la boxe, les combats d’ours et de coqs, l’amour des exécutions publiques, et par cette prompte disposition au pugilat dans les rues qui est un spectacle si délicieux pour les Anglais de toute condition. Les gens du marché ont la lâcheté en horreur. — Nous devons d’abord faire un peu manœuvrer nos poings, disent-ils ; nous sommes tous habiles avec nos poings. — Les écoles publiques sont accusées d’être des tanières de brutalité, et sont chéries du peuple à cause de cela. Les tortures infligées au souffre-douleur des écoles publiques sont une confirmation de ce fait. Medwin, dans la biographie de Shelley, rapporte qu’à l’école militaire ils roulèrent un jeune homme dans la neige, et, l’ayant laissé ainsi dans sa chambre tandis qu’ils allaient à l’église, l’estropièrent pour toute sa vie. Ils ont gardé la coutume de la presse maritime, la punition du fouet pour la marine, l’armée et les écoles publiques. Telle est la férocité de la discipline militaire, qu’un soldat condamné au fouet demande souvent que sa sentence soit changée en une sentence de mort. La peine du fouet, bannie de toutes les armées de l’Europe occidentale, est conservée en Angleterre de par l’autorité du duc de Wellington. Le droit du mari à vendre sa femme s’est perpétué jusqu’à nos jours. Sir Samuel Romilly disait des statuts criminels de l’Angleterre : « J’ai examiné les codes criminels de toutes les nations, le nôtre est le pire ; il est digne d’anthro-