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rieur de je ne sais quel ministère à Florence et un habitué des plus brillans salons; mais, doué d’un vif esprit d’observation, il avait mis à profit le temps qu’il consacrait au monde, étudiant sans but d’abord, comme par plaisir, les mœurs, les caractères, les travers des originaux qui posaient devant lui; puis un beau jour l’idée lui est venue de peindre cette société qu’il connaissait à merveille, et il s’est mis à l’œuvre. Le principal mérite de ces peintures, au dire des Italiens, c’est une parfaite exactitude. Jamais le portrait ne dégénère en caricature, ce qui témoigne assurément d’une certaine puissance. Seulement, s’il s’interdit la charge, M. Martini se prive trop souvent du comique, que le génie sait presque toujours en séparer. Ses comédies sont donc de consciencieuses études, trop peu animées; elles sont infiniment moins gaies que celles de Goldoni, qui, lui-même, n’a que d’assez rares accès de gaieté. Si parfois elles attachent, c’est par je ne sais quel intérêt romanesque qui s’y glisse. Le style est élégant, de bonne compagnie, également éloigné de l’afféterie et du trivial, mais dépourvu d’élévation, d’imprévu, d’originalité. M. Martini a de commun avec Goldoni une sorte d’embarras à entrer en matière. Ses intrigues sont banales, ses personnages peu variés; c’est par la vérité de quelques portraits qu’il rachète ces défauts.

La Femme de quarante ans, de M. Martini, remet sous nos yeux un type complaisamment étudié par MM. de Balzac et Charles de Bernard. Le tort de ce personnage, c’est de nous offrir une énigme qui pique médiocrement la curiosité. La Malvina de M. Martini n’est guère autre chose. A-t-elle un amant ou simplement un ami de cœur? La question pourrait sembler indiscrète, si nous n’assistions à des scènes intimes qui devraient, ce semble, déchirer le voile. Or il n’en est rien. Tout indique des relations qui ne laissent rien à désirer, le despotisme de la femme, le tutoiement, et surtout la lassitude du jeune homme; mais d’autre part, à entendre cette beauté sur le retour, il n’y a place dans son cœur que pour les sentimens les plus purs ! Après tout, ce manque de clarté est peut-être un reste de pudeur. La pièce est-elle amusante? C’est tout ce qu’on demande aujourd’hui. Répondre par l’affirmative, ce serait trop dire peut-être; au moins la Femme de quarante ans intéresse comme un drame romanesque qui finit sans catastrophe tragique. Elle est, si je ne me trompe, non pas le meilleur ouvrage de M. Martini, mais le plus agréable à la lecture et peut-être à la représentation. J’en voudrais donner une idée et faire connaître, par une courte citation, cette prestigieuse créature dont tout le monde s’affole malgré son incontestable maturité. Voyons-la donc en tête à tête avec l’ami de cœur, qui cherche un prétexte pour rompre et contracter un bon mariage.