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Grand-Marché, et elle ne reçoit plus que des bateaux employés au transport du poisson, des légumes et du bois de chauffage. Au-dessus d’un si modeste bassin, l’ancienne ville, entourée d’une muraille garnie de tours, comprenait une quinzaine d’hectares et quatre milliers à peine d’habitans. Elle s’est maintenue dans cet amas confus de maisons obscures, de rues étroites et grimpantes qui est interposé entre les nouveaux quartiers. Aujourd’hui même elle est plus remarquable que jamais par la densité de la foule qui s’y meut. L’empereur Charles VI ordonna la construction du grand môle, qui, s’enracinant à la pointe Saint-André, projette à près de 500 mètres au nord une large plate-forme, portant au centre un phare et sur son périmètre une ceinture de bouches à feu. Un lazaret, indice irrécusable des projets de commerce avec le Levant, fut établi sur remblai dans l’angle rentrant du môle, et réuni par un quai de 900 mètres à la petite darse; on aligna entre le quai et le pied de la colline de Chiarbotta les rues spacieuses de la Ville-Neuve; le revers extérieur de la darse fut couvert d’une batterie croisant à la distance de 800 mètres ses feux avec ceux des canons du phare, et Trieste monta d’un degré dans les rangs des villes maritimes.

Au nord de la vieille ville et de la petite darse régnait un vaste espace occupé par des salines : l’impératrice Marie-Thérèse y fit ébaucher un quai égal à celui de Charles VI, et pour attirer le commerce sur ce terrain, on y creusa, perpendiculairement au quai, un canal maritime de 300 mètres de long. Le canal est devenu le principal point de chargement et de déchargement des navires, et le marais salant est aujourd’hui le plus beau quartier de la ville. Ce quartier fut d’abord appelé Città Teresa; personne ne lui donne plus ce nom, et quand on a récemment bâti, sur le prolongement de l’axe du canal, une église dont la façade lui sert de perspective, on ne l’a point placée sous l’invocation de la patronne de l’héroïne de l’Autriche.

Le lazaret de Charles VI a depuis été converti en arsenal, et le service de santé s’est transféré dans une nouvelle darse, construite pour le recevoir à 1,500 mètres au nord du phare. 1,500 mètres, telle est la dimension de l’ouverture d’un port dont le pourtour n’a pas, en dedans de ces points extrêmes, au-delà de 3 kilomètres. Le port de Trieste ressemble ainsi à une plage battue en plein par les vents d’ouest, et, dans des circonstances climatériques ordinaires, le séjour n’en serait pas tenable. Ici heureusement il ne souffle pas de vents violens des côtes d’Italie, et personne ne craint de voir les navires jetés à la côte. On a d’ailleurs remédié aux inconvéniens de la position par un système de travaux que ses résultats recommandent à l’attention des ingénieurs. Des môles perpendiculaires aux quais s’y enracinent de distance en distance et s’avancent vers le