Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été presque entièrement enlevées, et l’on en reconnaît les matériaux dans la puissante enceinte de la ville du moyen âge. Différent en cela du cirque de Vérone, celui de Pola n’a conservé que son enveloppe extérieure; mais cette enveloppe est intacte, elle a pour cadre une colline sauvage, un ciel étincelant, une mer azurée, et soit que les eaux immobiles du bassin réfléchissent son image sous le soleil de midi, soit que les rayons obliques de la lune ou les feux allumés dans l’arène par les pâtres du voisinage en illuminent la nuit les portiques, on est tenté de rendre grâce aux barbares qui, en évidant ce gigantesque ovale, en ont doublé la magnificence par des jeux d’ombre et de lumière que l’art n’avait point prévus. Le cirque devait contenir plus de 25,000 spectateurs, et c’est fort au-delà de ce qu’a jamais pu compter d’habitans la ville vénitienne. Les murailles de Pola enceignent une surface de 19 hectares et demi, dont un quart est occupé par les escarpes d’une acropole couronnée par un fort : il reste ainsi pour les habitations une surface inférieure aux trois cinquièmes de celle du jardin des Tuileries. Ce rapprochement suffirait, à défaut d’autres preuves, pour montrer que les constructeurs de l’enceinte n’ont pas été les contemporains des constructeurs du cirque. S’il en était autrement, les deux contenances se rapporteraient l’une à l’autre, et c’est, quoi qu’on en ait dit, du moyen âge et non de l’antiquité que les épaisses murailles de Pola sont l’ouvrage.

L’amphithéâtre n’est pas le seul vestige de la grandeur romaine que conserve la ville de Pola : l’arc de Sergius et la porte géminée d’Hercule appartiennent, par la pureté de leurs proportions et le fini de leurs détails, aux meilleurs temps de l’architecture romaine. L’ancien forum, dont une partie est couverte de bâtimens et l’autre réduite à la prosaïque condition de place du marché, était décoré des façades des temples de Diane et d’Auguste. Dans le premier, transformé en hôtel de ville, un joli portique vénitien a remplacé celui des Romains, probablement écroulé. Le second sert, en attendant un musée, de magasin aux débris antiques qu’on déterre alentour : la correcte élégance de son portique corinthien rappelle la Maison-Carrée de Nîmes. Les Grecs, plus habiles que les Romains à placer leurs monumens, auraient donné ce temple pour couronnement à l’acropole, sur laquelle flotte aujourd’hui, au sommet d’un mât vé-