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le cas de tous les corps colorés opaques. Souvent Il y a décomposition à la fois par réfraction et par réflexion. Ainsi ces feuilles d’or, qui sortent des mains des batteurs d’or si minces qu’il en faut dix mille pour une épaisseur d’un millimètre, sont jaunes, et on les voit vertes si on les regarde par transparence. Elles sont, comme on dit, vertes par transmission et jaunes par réflexion. La lumière est décomposée, mais de deux façons différentes, suivant qu’elle traverse ou qu’elle est réfléchie. Les expériences de Newton sur ce genre de phénomènes, sur les lames minces, la mesure du spectre, les combinaisons des couleurs, sont infinies. Nous n’entrerons pas dans les détails, il suffit d’avoir énoncé le principe qui sert de fondement à toute la science de l’optique.

Le nom de Newton fut connu pour la première fois du public, lorsque vers 1671 il présenta un télescope de son invention à la Société royale de Londres. À cette époque, la plupart de ses découvertes étaient achevées ou entrevues ; mais il a dit lui-même que jusque-là il ne se croyait pas encore digne d’occuper les savans. Ce télescope, d’un usage incommode, est oublié aujourd’hui ; les astronomes d’alors firent cependant grand cas de cet instrument, dont le principe était nouveau : on s’exerça longtemps à l’imiter et à le perfectionner. De tous les travaux de Newton, ce fut peut-être celui qui lui donna le plus de peine, car on voit par ses livres de notes que depuis longtemps il achetait des métaux des poudres à polir, etc., pour découvrir la meilleure forme et la meilleure composition des miroirs et des lentilles des télescopes catoptriques. L’instrument original, qui fut dès-lors présenté au roi, se voit encore dans la bibliothèque de la Société royale.

Aucun des autres travaux de Newton n’était encore connu ; et il est singulier que ni la conversation, ni les lettres, ni les récits de ses élèves, n’eussent divulgué les nouveautés qu’il professait sur l’optique. Barrow pourtant et Collins l’appréciaient et l’aimaient, et quelques savans, sans trop savoir de quoi il s’agissait, prirent intérêt à lui. Le docteur Seth Ward, évêque de Salisbury, qui occupait la chaire savilienne d’astronomie à l’université d’Oxford, et qu’il ne paraît pas avoir connu jusque-là, le présenta à la Société royale, dont il fut nommé membre (fellow) au mois de janvier 1672. Aussitôt, pour remercier ses nouveaux collègues et leur montrer qu’il n’était pas indigne de leur choix, il leur envoya la première partie de ses travaux sur l’optique et sur la réfrangibilité variable des rayons qui composent la lumière blanche. Ce travail fut imprimé dans les Transactions philosophiques, recueil qui existait déjà depuis quelques années et qui paraissait tous les mois. En même temps il écrivait à Oldenburg, secrétaire de la société : « Ce fut d’abord l’estime que je faisais de la Société royale, comme réunion de juges éclairés et