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descentes domiciliaires ou par la visite des toilettes au beau milieu de quelque grand bal, éclat qui a un précédent tout trouvé dans les visites personnelles que les femmes les plus élégantes et les plus raffinées de Paris sont tenues de supporter à la frontière, quelquefois dans un grenier, de la part d’une matrone dont les procédés et les mains ont la délicatesse que comportent des appointemens de 400 francs par an. Si ensuite il est fait quelques exemples, la prime de contrebande sera immédiatement doublée ou triplée, et la prohibition deviendra, comme on le disait autrefois de la charte, une vérité.

Du moment qu’en dehors de la prohibition l’industrie française est sans possibilité d’existence (ces expressions se lisent dans le rapport de M. Mimerel), qui pourrait s’étonner de mesures de ce genre ? Il faudrait ne pas avoir une étincelle de patriotisme pour blâmer la résurrection de la loi du dix-huitième jour du premier mois de l’an II et des procédés au moyen desquels l’application en serait assurée.

M. Mimerel se plaint de ce que le gouvernement ait présenté le projet de loi portant retrait des prohibitions sans avoir procédé à une enquête préalable ; mais, on vient de le voir, elle est toute faite, cette enquête, elle est complète dans le Tableau du Commerce. Ce document officiel démontre la force de nos ateliers, et il est contre la prohibition même un acte d’accusation. Aussi M. Mimerel n’a-t-il garde de le citer ; on dirait qu’il le redoute à l’égal d’une composition librd-échangiste, de quelque ouvrage de Jean-Baptiste Say ou de Bastiat, ou d’un discours de Cobden. On assure que ce volume va être mis à l’index comme dangereux et subversif, et le directeur-général des douanes, qui a commis la faute de le rendre de plus en plus exact, lucide et lisible, est, dit-on, au moment d’être rangé au nombre des suspects, car enfin, c’est incontestable, par cette œuvre si bien élaborée il sert la cause de la liberté du commerce.

L’enquête est encore faite, non moins concluante, sous une autre forme dans le relevé des médailles décernées par les jurys des expositions de Londres et de Paris. À Londres, celles même de nos industries qui sont protégées par la prohibition absolue avaient rem porté d’éclatans succès ; mais les résultats de l’exposition de Paris sont plus frappans encore, et ils ont l’avantage de se rapporter mieux à la situation présente, puisqu’ils sont d’hier. Prenons pour exemple l’industrie cotonnière, celle de toutes pour laquelle les prohibitionistes ont poussé les plus grandes clameurs. Là, sur 245 médailles, dont 3 grandes médailles d’honneur collectives, 7 médailles d’honneur, 60 médailles de première classe, 175 de seconde classe, la France en a obtenu 136, savoir 1 grande médaille d’honneur collective (pour la ville de Rouen, si ardente aujourd’hui à vouloir qu’on prohibe), 3 médailles d’honneur ou près de la moitié, 38 médailles