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de première classe ou près des deux tiers, 94 médailles de seconde classe ou plus de moitié.


II. – CE QUE SERAIENT LES POSITIONS RESPECTIVES DE L’INDUSTRIE FRANCAISE ET DE L’INDUSTRIE ANGLAISE, SI LA FRANCE ABANDONNAIT LA PROHIBITION POUR UN TARIF LIBERAL.

Un des moyens qu’ont employés les prohibitionistes pour se faire une nombreuse clientèle, et qui atteste en eux la connaissance du cœur humain, est de répéter sans cesse à l’industrie française qu’elle a un ennemi acharné qui a juré sa perte, et qu’eux seuls possèdent le moyen d’en déjouer la rage. Cet ennemi, ils en donnent le signalement :

Son front large est armé de cornes menaçantes,
Tout son corps est couvert d’écaillés jaunissantes.

C’est un monstre marin, c’est en un mot la perfide Albion. Cet ennemi est terrible,

Le flot qui l’apporta recule épouvanté.

Il est irrésistible, il ne faut pas tenter la lutte, contre lui elle serait sans espoir. Il n’y a qu’à fuir

… sans s’armer d’un courage inutile,

et qu’à placer entre lui et soi l’obstacle d’une muraille à pic.

Voilà pourquoi les prohibitionistes recommandent de perpétuer la prohibition. On était pourtant plus brave quand on allait à l’assaut des médailles à l’exposition.

S’il est vrai qu’il y ait en France, parmi les classes les plus éclairées, un sentiment unanime et prononcé d’estime et de sympathie pour l’Angleterre, dont en effet la civilisation est tant avancée sous beaucoup d’aspects, on trouve des dispositions différentes parmi les masses populaires et même chez une bonne partie des classes moyennes. Là, les cris de haine tant répétés de 1792 à 1814 ont laissé des souvenirs, et l’Angleterre est réputée encore une irréconciliable ennemie employant tour à tour la violence et l’astuce, contre les maléfices de laquelle il faut constamment être en garde, et dont les bons procédés même sont suspects. Ces mauvais sentimens sont exploités par les prohibitionistes avec une persévérance et un esprit de suite qui les honorent peu, mais qui leur ont réussi. Ils ne se las sent pas de dire que la liberté du commerce est une invention Anglaise, qu’elle est recommandée dans un intérêt anglais ; ils ont même la charité de répandre des imprimés où il est dit que les personnes qui la réclament sont payées par l’Angleterre. Il y a dix ans, les meneurs de Paris firent imprimer à des myriades d’exemplaires un placard