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destiné à être affiché dans tous les ateliers de la France, afin d’exciter les populations et d’enflammer les haines nationales. On en adressa des ballots dans les différentes villes de fabriqués, et plus d’un de ces envois rencontra d’honorables manufacturiers qui en ; manifestèrent leur dégoût, et, au lieu d’afficher le placard, le renvoyèrent à ses auteurs[1].

La tactique des prohibitionistes est la même aujourd’hui qu’en 1846. Un des traits principaux du rapport de M. Mimerel est la même pensée, qui était particulièrement en relief dans le placard, qu’il s’agit d’affamer les Français pour nourrir les Anglais. Seulement, ce que le placard disait au figuré, M. Mimerel l’entend dans le sens propre. On prendrait littéralement de la bouche de nos ouvriers le pain qu’ils mangent, ce pain fait avec du blé qui a mûri dans les plaines de la Beauce ou de la Normandie, pour le mettre sous la dent des Anglais. La perfide Albion convoite nos céréales et notre viande ; pour se les approprier, son plan est fort simple : c’est d’en lever leur travail à nos populations ouvrières, qui aujourd’hui consomment ces denrées, parce que nos agriculteurs alors les lui livreraient pour rien. Telle est la principale raison pour laquelle, dans son machiavélisme, elle s’est proposé de nous faire renoncer à la prohibition ! M. Mimerel est au courant de toutes les circonstances de ce noir complot. Le placard de 1846 disait que c’était un Anglais qui avait apporté en France la doctrine commerciale dont on attendait la subversion de nos ateliers. M. Mimerel fait plus, il a découvert le nom de l’Anglais qui s’est chargé, en 1856, d’être l’artisan de notre ruine ; et il le révélé. C’est un sieur Mac Grégor, qui prétend

  1. Voici comment était conçu ce placard :
    « De l’entrée des marchandises anglaises. — Il ne faut pas être bien malin pour s’apercevoir que dans tout ceci on ne veut que favoriser l’intérêt de l’Angleterre.
    « Aussi toute cette belle doctrine est-elle apportée en France par un Anglais.
    « Ce qui étonne, c’est qu’il se trouve des Français pour répéter ses leçons.
    « Ils semblent ne pas s’apercevoir que par la ils travaillent à ruiner le pays et qu’ils appellent l’Anglais à régner en France.
    « Quand donc les chefs de manufacture s’opposent à l’entrée des marchandises Anglaises, ils travaillent dans leur intérêt sans doute, mais bien plus encore dans celui de l’ouvrier et dans celui du pays.
    « Sans doute aujourd’hui Il y a souffrance, le pain est cher ; c’est un motif de plus pour protéger le travail, et pour cela, il ne faut pas faire entrer les marchandises anglaises.
    « Il y a en Angleterre bien plus de misère qu’en France ; elle cesserait bientôt, si nous n’empêchions pas les marchandises anglaises d’entrer chez nous. Voila le fin mot de tout cela.
    « Mais, pour nourrir les Anglais, il ne faut pas affamer les Français.
    « Celui qui veut une semblable chose n’aime pas son pays, n’aime pas l’ouvrier.
    « Aussi l’ouvrier n’aura pas confiance en lui. Il saura bien toujours lui dire que, quand il s’agit des Anglais, chefs et ouvriers en France n’ont qu’un même intérêt, une même pensée ; un même cœur. »