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tout entier sous les ordres d’un colonel Buford, et au départ de ce régiment les membres du clergé appelèrent les bénédictions célestes sur les armes du sud, pendant que la population saluait les volontaires d’acclamations frénétiques. Le Kansas devint en peu de temps le théâtre d’une véritable guerre de sauvages ; on ne se faisait point de quartier de part ni d’autre, et bientôt on n’entendit plus parler que de plantations pillées et détruites, que de villes livrées aux flammes, que de détachemens passés par les armes. Les free-soilers, pourchassés comme des bêtes fauves, ne réclamèrent point en vain l’appui de leurs frères ; des associations se formèrent dans tout le nord pour leur venir en aide ; des meetings furent tenus jusque dans les temples des souscriptions furent ouvertes, des volontaires furent armés et expédiés dans le Kansas pour tenir tête aux bandes du sud.

Cependant on ne pouvait laisser plus longtemps la guerre civile désoler le territoire de l’Union : le Kansas serait devenu bien vite le champ de bataille entre le nord et le sud. Le président fit marcher sur le Kansas toutes les troupes fédérales disponibles, appela aux armes les milices du Kentucky et de l’Illinois, et donna ordre de mettre fin à la lutte par la force et de livrer aux tribunaux quiconque essaierait de résister. De son côté, la chambre des représentons blâma l’indécision, la lenteur et la partialité qui avaient marqué la conduite du président et, en votant le budget de l’armée, l’inséra une clause qui interdisait d’employer les troupes fédérales à établir l’esclavage dans le Kansas. Cette clause ayant été rejetée par le sénat, la chambre rejeta à son tour le budget de l’armée. Elle consentit ensuite à le voter pour ne pas désorganiser un des grands services publics et ne pas livrer les frontières aux incursions des Indiens ; mais elle exigea une satisfaction. Une enquête, dirigée par une commission de membres du congrès, avait révélé des faits déplorables : M. William Shannon fut destitué des fonctions de gouverneur du Kansas et remplacé par M. Geary, de qui l’on attendait plus d’impartialité. M. Geary commença par interdire l’entrée du territoire à tout individu en armes ; il fit rechercher et saisir les armes et les munitions de guerre qu’on introduisait soit du nord, soit du sud ; il lit arrêter et désarmer des détachemens entiers de prétendus émigrans, et jeta en prison, pour les mettre entre les mains de la justice, tous les individus qui lui furent signalés comme coupables de meurtre ou d’incendie. Néanmoins il n’a pu empêcher les assassinats de continuer, et, à la date du 30 août 1856, le gouverneur de l’état d’Iowa, M. Grimes, adressait au président une lettre dans laquelle il exposait que, depuis un an révolu, il recevait journellement des plaintes d’anciens citoyens de l’Iowa établis dans le Kansas, lesquels venaient déclarer sous serment qu’ils n’avaient été protégés par les fonctionnaires fédéraux ni dans leur liberté ni dans leur propriété.