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aurait été le candidat de prédilection du sud, mais après la part qu’il avait prise au bill de Nebraska et Kansas, le choix de son nom aurait eu toutes les apparences d’un défi jeté au nord. Or, les états à esclaves ne disposant entre eux tous que de 120 voix dans le col lège électoral, il fallait nécessairement, pour atteindre la majorité, détacher deux des états libres, et parmi ces deux au moins un des trois grands états du centre, le New-York, qui a 35 voix, la Pensylvanie, qui en a 27, ou l’Ohio, qui en a 23. M. Buchanan, très influent dans la Pensylvanie, son état natal, avait donc beaucoup plus de chances de succès que M. Douglas, et ce fut sur lui que tombale choix de la convention. M. Buchanan appartenait à cette fraction des démocrates qui ont, en toute occasion, voté avec les hommes du sud ; son nom ne pouvait être accueilli qu’avec faveur par les parti sans de l’esclavage, et de toutes parts on travailla avec ardeur à assurer le succès de son élection.

Les whigs ne donnèrent point signe de vie de tout l’été ; ils ne parvenaient pas à réunir les tronçons dispersés de leur parti. Les know-nothings se portèrent leurs héritiers. On sait qu’on désigne sous ce nom une sorte de franc-maçonnerie, politique qui ne paraît avoir qu’un seul lien commun, — l’aversion pour les étrangers et pour le catholicisme, — et qui se compose en majeure partie des hommes qui veulent changer d’opinion ou qui n’en ont aucune. Les know-nothings ont en plusieurs circonstances exercé une influence décisive dans les élections locales, rien n’étant plus commode que de se déclarer know-nothing, quand par des motifs, personnels on ne voulait pas voter pour le candidat de son parti ; mais ils n’avaient point eu jusqu’ici occasion de jouer un rôle dans une élection générale. Pour la première fois ils organisèrent une convention qui porta ses suffrages sur M. Millard Fillmore. Ce choix était propre à réunir les voix des modérés de tous les partis. Nous avons déjà fait connaître quels étaient les titres de M. Fillmore à la confiance de ses concitoyens. Homme du nord, il jouissait dans le sud d’une popularité méritée, et d’un autre côté il offrait aux adversaires de l’esclavage toutes les garanties que ceux-ci pouvaient souhaiter : ils étaient assurés que M. Fillmore ferait respecter la constitution et les lois à l’intérieur, et qu’au dehors il ne lancerait pas la politique américaine dans les aventures. Cependant l’irritation était trop grande dans les états libres, et l’abolitionisme avait fait de trop grands progrès depuis les deux dernières années, pour que le choix de M. Fillmore pût satisfaire les hommes du nord. Il fallait à ceux-ci un choix plus significatif qui marquât leur ferme résolution de mettre un terme aux envahissemens du Sud et aux progrès de l’esclavage. Les sentimens qui sont devenus universels au nord ont été exprimés à merveille par un des poètes les plus estimés des États-Unis,