Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/812

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les fraudes ténébreuses sont surtout mises en œuvre dans les cas d’adultère. Il n’est presque point d’exemple que la loi qui punit ce crime ait été appliquée ; le mari outragé se venge assez généralement par des moyens détournés : quelquefois il saisit l’amant dans sa maison, et porte contre lui une accusation de vol ou de tentative de meurtre, accusation que l’épouse coupable soutient invariablement de son témoignage. Nous avons parlé avec tant de détails, en traitant de l’administration anglo-indienne, des obstacles que les habitudes de mensonge et de parjure des natifs opposaient à la mission du juge et du magistrat, que nous ne reviendrons point sur ce triste sujet. Nous devons toutefois constater que certaines réformes imprudentes ont contribué à aggraver l’étendue du mal. Il faut citer, en première ligne, la mesure qui a supprimé le serment sur les eaux du Gange ou sur le Coran, que l’on exigeait du témoin suivant sa religion. Sans croire que ces sermens pussent lier les natifs d’une manière irrévocable à la cause de la vérité, il faut reconnaître que ces engagemens solennels avaient sur des esprits superstitieux une influence réelle que ne possède en aucune manière la simple déclaration qui les a remplacés. C’est là une concession faite à cet esprit d’intolérance religieuse si puissant en Angleterre, que la pratique a condamné, et contre lequel s’élèvent aujourd’hui les réclamations des sommités de la magistrature indienne. De plus, la loi anglaise, qui punit le parjure d’un emprisonnement de trois à neuf ans, est insuffisante dans bien des cas. Trop sévère lorsqu’il s’agit d’un faux témoignage qui n’a d’autre but que d’assurer l’impunité de quelque léger forfait, elle est trop indulgente pour le parjure qui fait peser sur un innocent une condamnation capitale.

Les lois en vigueur dans les domaines de la compagnie se composent d’un mélange du code musulman et des lois anglaises, dans lequel la législation orientale a dépouillé toute sa sévérité primitive. La peine de mort, la transportation, la prison avec ou sans travaux forcés complètent la liste des châtimens dont les tribunaux de l’Inde punissent les divers attentats contre les personnes et les propriétés. Les sentences capitales ne sont portées que dans le cas de meurtre avec préméditation et sont exécutées au moyen de la potence. Puisque le nom du funèbre instrument est venu sous notre plume, nous citerons un détail qui nous semble caractériser avec une singulière originalité les superstitions et l’apathie de la race indienne. Jusqu’à ces derniers temps, il arrivait souvent que les condamnés marchassent à la mort précédés de musique, couronnés de fleurs, et qu’achevant de leurs mains les préparatifs du supplice, ils mourussent au milieu des applaudissemens de la foule, dont les préjugés imbéciles transformaient le châtiment légal en un holocauste volontaire offert