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après l’incendie ne recevant pas seulement, mais sollicitant des dons volontaires (collationes) et épuisant les revenus des particuliers et des provinces. On peut voir aussi dans Juvénal une peinture énergique, et trop détaillée pour être une pure déclamation, de la misère des provinces comparée à leur ancienne prospérité : « Quand la province que tu attendais depuis longtemps t’a reçu pour la gouverner, mets un frein à ta violence et à l’on avarice. à le pitié de la pauvreté de nos alliés… Autrefois ce n’était pas un gémissement pareil et une telle blessure, une telle ruine pour les alliés, alors florissant et seulement vaincus. Leurs maisons étaient pleines de richesses.. ! . Maintenant nos alliés possèdent quelques paires de bœufs, un petit troupeau de jumens. On prend l’humble champ et l’on enlève le taureau. » Le poète montre alors le danger dont ces extorsions mena cent Rome : « Crains l’Espagne, la Gaule, l’Illyrie ; épargne ces moissonneurs d’Afrique qui nourrissent la ville tandis qu’elle est tout entière aux jeux du cirque et de la scène… Prends garde de trop accabler des malheureux qui ont du courage, car, bien que tu leur ôtes tout ce qu’ils possèdent d’or et d’argent, il faudra leur laisser le bouclier et l’épée, le casque et le javelot ; aux dépouillés restent les armes. » Juvénal parle encore d’une province qui a gagné son procès sans être indemnisée de ses pertes, victrix provincia plorat. On voit que les provinces n’étaient pas mieux sous Domitien que sous Néron, et cet état de choses avait commencé plus tôt. Voici ce que dit M. Amédée Thierry, très favorable du reste à l’empire romain : « Auguste mourut léguant l’empire à Tibère. Déjà pillées sous le gouvernement précédent, les Gaules se virent livrées à des excès intolérables sous l’administration dure et insouciante du nouveau prince. Les impôts croissant, il fallut que les particuliers et les villes empruntassent à gros intérêts ; de la les dettes accumulées, les expropriations et une misère sans terme. »

Quand on achève de lire la vie de Néron, c’est un grand soulagement de contempler ses derniers momens, de voir ses peurs, ses fuites, ses larmes, ses incertitudes et ses lâchetés devant la mort. Heureusement Il y a peu d’événemens dont on puisse aussi bien suivre à Rome toutes les phases, et dont la topographie soit plus évidente.

Il était minuit quand Néron apprit que ses gardes l’avaient abandonné ; il se lève de son lit et envoie avertir ses amis : aucun ne parut ; lui-même se décide à les aller chercher : nulle porte ne s’ouvrit. Alors il rentre dans ce palais qu’il avait fait si magnifique, mais d’où ses serviteurs s’étaient maintenant enfuis en pillant jusqu’à ses couvertures et en emportant la boîte d’or renfermant le poison que lui avait donné Locuste. Il demande un gladiateur pour se faire tuer ; il