Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’élection était obscure et insuffisante : en 1854, la loi l’a éclaircie et complétée, en rendant le député responsable, non-seulement de toutes les manœuvres de la corruption, mais encore du régal d’électeurs et des pratiques d’intimidation longtemps tolérées ou au moins ménagées. Pour entrer au parlement, le candidat prévaricateur ne peut plus compter sur aucun laissez-passer ; toutes les portes lui sont fermées.

Les collèges électoraux dans lesquels la corruption menaçait de se perpétuer n’ont pas été plus ménagés que les candidats, et le droit de représentation peut leur être enlevé plus facilement qu’autrefois. Jusqu’ici l’instruction, ne se poursuivant que dans les comités de la chambre des communes, leur laissait, à raison de l’éloignement, des garanties d’impunité ; aujourd’hui, par un acte de 1852, l’enquête peut être faite sur place, et elle est confiée à des commissaires nommés par la reine sur la demande des deux chambres.

Une fois la répression de la loi politique rendue efficace, la répression de la loi pénale et même de la loi civile pouvait plus librement suivre son cours, soit contre le candidat lui-même, soit contre tout électeur. Elle a été sagement mesurée et réglée en même temps avec la minutie la plus scrupuleuse par un acte de 1854, qui, dans tous les cas de corruption et d’abus d’influences jusqu’alors impunis, a réservé aux parties intéressées la poursuite criminelle[1] et la demande civile en dommages-intérêts, qui sont étendus désormais dans une juste proportion à tous les faits plus ou moins répréhensibles[2]. Contre tous ceux qui ont été reconnus coupables, non-seulement de corruption et d’abus d’influences, mais encore de régal d’électeurs, la même loi a en outre prononcé la déchéance du droit de suffrage, et elle exige que la liste des citoyens dont le nom est ainsi exclu du registre des électeurs soit affichée, afin que leur déshonneur, rendu public, serve d’exemple. Cette exclusion des indignes, destinée à séparer l’ivraie du bon grain, comme on le disait dans le parlement, rentre dans ce système d’épuration constante et progressive qui, successivement étendu aux collèges électoraux, aux candidats, aux électeurs, ne transige nulle part avec l’ennemi, le serre de près et le contraint à faire retraite.

Pour lever tous les voiles derrière lesquels la corruption pourrait encore se cacher, et pour en percer à jour les manœuvres secrètes, la loi de 1854 a établi pour chaque élection un agent comptable [election

  1. La peine applicable est l’amende et l’emprisonnement.
  2. Le taux des dommages-intérêts est réglé ainsi qu’il suit : 100 l. (2,500 fr.) en cas de corruption, 50 l (l,250 fr.) en cas d’abus d’influences ou de régal d’électeurs, 40 sh. (50 fr ) en cas de distribution de rafraîchissemens. La responsabilité de la corruption est également étendue aux corrompus, qui sont passibles de dommages-intérêts fixés à 10 l. (250 fr.).