Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poésie et au sentiment une forme générale et acceptable pour tout le genre humain. »

Ces peuples ont parlé ou parlent des langues qui ont entre elles d’étroites affinités par la grammaire et par les radicaux, et qui se distinguent profondément des autres idiomes par les radicaux et par la grammaire : c’est là ce qui forme une famille de langues. À celle-ci, les érudits ont donné le nom de sémitique. Cette dénomination dérive de Sem, fils de Noé ; mais, comme le remarque M. Renan, elle est défectueuse, puisque, tirée de la Bible, elle n’est pas en concordance avec le document qui l’a fournie. Ainsi les Elamites, qui d’après la Genèse sont des Sémites, ne parlaient pas une langue sémitique, et au contraire une langue sémitique était parlée par les Phéniciens et par des Arabes de diverses tribus qui, d’après la Genèse, étaient issus de Cham. On a dit que les Phéniciens, bien que se servant d’une langue sémitique, n’en étaient pas moins des Chamites qui s’étaient approprié une langue étrangère ; mais cela ne peut se soutenir. L’histoire montre les Phéniciens, les Sidoniens, en un mot les Chananéens établis de toute antiquité dans le pays qu’ils occupaient, et ce que nous savons de leur idiome prouve qu’il était aussi pur qu’aucun des autres idiomes syro-arabes, — ce qui ne serait pas s’ils étaient des étrangers ayant appris, on ne sait comment, la langue de leurs voisins. Aussi d’ordinaire on interprète le texte de la Genèse, et on voit une désignation géographique dans la dénomination de fils de Sem. Quoi qu’il en soit, l’érudition donne à sémitique un sens ethnographique, et appelle ainsi un groupe de peuples qui parlent des langues construites sur un même type et ayant entre elles des analogies comparables à celles qu’ont entre eux le français, l’italien et l’espagnol.


II. – DES ARIENS ET DES LANGUES ARIENNES.

Quelque éminens qu’aient été les services rendus par les Sémites à la civilisation générale, toutefois il reste encore dans le vaste ensemble qu’elle présente une grande place pour des peuples qu’une destinée favorable ou d’heureuses aptitudes ont élevés à l’honneur suprême d’y laisser une trace profonde, car l’on peut dire des peuples ce que le poète dit des hommes privilégiés :

… Quos aequus amavit
Jupiter, aut ardens evexit ad aethera virtus.

Jupiter, c’est le concours de conditions bienfaisantes qui activent le développement ; la vertu ardente, c’est la disposition innée qui porte une race vers les hautes parties de l’intelligence ou de la moralité