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l’instruction littéraire. L’enseignement des lettres forme en quelque sorte la nature intellectuelle de l’enfant ; il façonne sa pensée, ouvre son esprit, et le prépare à entrer avec sûreté dans le domaine des sciences. Le danger consisterait à intervertir les vrais rapports de ces différentes parties de l’enseignement, car ce serait intervertir les notions mêmes de l’éducation générale. Et qu’on n’oublie pas qu’ici les expériences se font sur l’âme de toute une jeunesse. Depuis que les dernières réformes ont été accomplies, le débat existe, ainsi que le rappelait l’autre jour M. le ministre de l’instruction publique, qui n’a point voulu lui-même aborder la question avant de l’avoir sérieusement étudiée. Maintenant quelle est la pensée du gouvernement sur ces graves et délicates matières ? M. le ministre de l’instruction publique annonce l’intention de marcher dans la voie des larges améliorations, pour nous servir de ses paroles. Perfectionner, rectifier, corriger le système actuel sans le détruire, c’est là, il nous semble, le résumé de la pensée du gouvernement. Or, comme perfectionner le système actuel dans le sens scientifique, ce serait aller droit contre les écueils qui ont été signalés, il est évident que les améliorations dont il est question doivent tendre à neutraliser ces dangers en fortifiant l’instruction littéraire. Si nous avons bien compris, M. le ministre de l’instruction publique n’a nullement le fanatisme de l’organisation créée avant lui ; il la maintient parce qu’elle existe, sans décliner les lumières de l’expérience, si cette expérience venait à parler assez haut contre le système actuel des études, et en se réservant jusque-là d’introduire dans l’enseignement des améliorations partielles destinées à porter remède aux abus. On voit dans quels termes reste cette question : le débat se poursuit devant le conseil de l’instruction publique comme devant l’opinion, et c’est l’un des plus graves qui se puissent élever, puisqu’il touche à tous les intérêts intellectuels, c’est-à-dire à l’une des plus vraies grandeurs de la France.

Les livres, comme les faits de la vie publique, ont aussi leur histoire, qui recommence tous les jours, et qui embrasse une diversité singulière de nuances morales. C’est l’histoire des goûts, des penchans, des besoins secrets et des caprices d’un temps que les œuvres littéraires ne font que refléter. Le romancier peint la vie, il veut en retracer une image qui vise à être tout à la fois idéale et réelle. Le moraliste, d’un trait vif et impersonnel, décrit les mœurs qu’il censure et qu’il cherche à corriger. Le critique juge les idées et s’efforce de les rectifier. Ils ont tous leur place dans la marche commune, et par leurs œuvres, par le choix de leurs sujets, par les inclinations de leur esprit, ils ne font que mieux mettre en lumière, chacun dans une mesure différente et à des points de vue divers, ce travail intérieur d’une société qui flotte entre toutes les tendances et toutes les aspirations. Que fait M. Oscar de Vallée dans son livre récent sur les Manieurs d’argent ? Il s’attache à analyser une maladie qui ne date pas de notre temps, nous le croyons bien, qui a pris d’autres noms et d’autres formes, mais qui s’est étrangement aggravée, et tendrait, s’il n’y avait une réaction énergique, à altérer les sources de la vie. Il décrit l’envahissement du luxe, les luttes laborieuses et inégales de l’honnêteté, la falsification des mœurs sous l’influence de l’esprit de lucre, surtout l’ascendant croissant des hommes d’argent combiné avec le déclin des supériorités morales. Ce nom même de