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Suède : 533 mammifères, dont beaucoup d’une énorme dimension ; 2,527 oiseaux, 400 espèces en tout, plusieurs tout à fait nouvelles ; 480 amphibies, crocodiles, etc. ; 5,000 espèces d’insectes, un grand nombre de poissons, un nombre infini de plantes, etc., tout cela d’un choix et d’une préparation sévères, tout cela se rapportant à une seule contrée, sans aucun mélange de productions hétérogènes. Que de matériaux et que de secours nouveaux pour plusieurs sciences à la fois ! Déjà le professeur Kreuss, de Stuttgart, et le professeur Lovén ont décrit les crustacés recueillis par Wahlberg ; le professeur Boheman publie sur les insectes l’ouvrage intitulé Insecta cafraria. Le savant et vénérable M. Fries, d’Upsal, s’est réservé de décrire les plantes, avec la collaboration de M. Wikstrœm ; le professeur Sundevall s’est occupé des mammifères et des oiseaux, et M. Müller, de Berlin, des étoiles de mer. Un seul explorateur, hardi et dévoué, a suffi, par ses travaux de moins de dix années, à procurer aux maîtres même de la science tant de sujets d’études à peu près entièrement nouvelles.

Wahlberg était revenu prendre quelque repos dans sa patrie en 1845. Il entreprit un nouveau voyage dans l’Afrique australe en 1854 et 1855. Il écrit à la date du 21 novembre de cette dernière année, des bords du lac N’Gami : « Je viens de faire une excursion de chasse vers le fleuve Doughe (ou Tioughe), affluent du N’Gami, au nord-ouest. Cette excursion a duré quatre mois, de juillet à octobre. J’ai tué douze éléphans, mon Cafre en a tué trois. J’ai donc en ivoire une valeur d’environ 10,000 francs. Je vais partir pour le nord-ouest, de concert avec M. Green, jeune voyageur anglais. Je veux chasser le rhinocéros, mais surtout l’éléphant, afin de couvrir mes dépenses de voyages… Je viens d’acheter un bon fusil anglais et dix bœufs pour deux cents livres d’ivoire… » Telles sont les dernières nouvelles qu’on ait reçues directement de Wahlberg. Il partit le 22 novembre pour sa chasse nouvelle avec M. Green, un autre commerçant anglais, M. Ch. Cathcart Castry, et une escorte. On n’arriva au lieu désigné qu’au commencement de février 1856. Le 28 de ce mois, Wahlberg s’éloigna des chariots, accompagné d’un fidèle serviteur, nommé Kooleman, et de trois ou quatre naturels. Dix jours se passèrent sans que MM. Green et Castry, qui chassaient de leur côté, mais à de petites distances, entendissent parler de lui. Le 11 mars enfin, ses gens revinrent au campement, mais sans lui, et rapportèrent que, dès leur départ, ayant dépisté un éléphant, ils s’étaient mis à sa poursuite ; ils en avaient bientôt découvert d’autres ; Wahlberg en tuait à peu près un par jour. Les repas étaient abondamment fournis soit de chair d’hippopotame, soit de trompes et de pieds d’éléphans, mets fort délicats. Tout promettait une heureuse et riche expédition ; « mais le 6 au soir, Wahlberg ayant voulu abattre un jeune éléphant que nous avions cerné dans une petite plaine bornée par un marais, nous lui tirâmes, sur son ordre, quelques coups de fusil qui le rendirent furieux, et tout à coup, s’élançant sur Wahlberg avant qu’il eût pu faire feu, il le renversa, brisa en deux le fusil, comme s’il eût compris ce qu’était cette arme, et, en poussant un cri horrible, il écrasa son malheureux adversaire et prit la fuite. Quand nous approchâmes, le cadavre n’était pas reconnaissable. Nous creusâmes une tombe au pied d’un grand arbre ; nous y élevâmes une croix sur un tertre couvert de gazon, et nous revînmes désolés… »