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bateaux à voile entièrement chargés de joncs qui croissent dans les îles et les marais de la Nord-Hollande. Ces joncs servent à tresser des nattes, industrie obscure, mais qui occupe des milliers de familles. Z Noordwolde, la fabrication des petits paniers est une source de travail et d’aisance. Tout ce qui fait vivre l’homme, tout ce qui donne du pain et des vêtemens à la population ouvrière ou agricole est respectable. Les ruisseaux de la Néerlande nourrissent de petits poissons dont l’écaille sert à faire des perles ; la pêche de ces poissons, l’engraissage des veaux sur les côtes du Zuiderzée, la culture des navets dans la Hollande septentrionale, la fabrication des sabots, l’entretien des arbres à fruit, toutes ces forces humbles et occultes de la fortune publique ont contribué pour une certaine part à l’état florissant d’un pays qui a soutenu de longues guerres contre les élémens et contre les puissances étrangères. Dans l’Overyssel, la chasse aux canards sauvages donne des résultats qui ne sont point à dédaigner[1]. N’oublions pas les industries maritimes ; La pêche des huîtres et des moules est une source de produits pour les populations de la Zélande et du Texel[2].

L’esprit hollandais, si minutieux et si pratique, n’a pourtant pas toujours résisté à l’attrait des chimères. Certaines vieilles maisons de Harlem portent des inscriptions hollandaises annonçant que les

  1. Cette chasse est d’ailleurs une des plus ingénieuses qu’on puisse voir : des canards apprivoisés s’élèvent dans l’air et attirent les canards sauvages ; de petits chiens, dressés à un tel exercice, poursuivent ces derniers dans des marécages ou sur les bords d’un canal où ils vont se prendre eux-mêmes dans des filets. L’homme qui préside à la chasse tient dans la main un charbon flambant pour se dissimuler dans la fumée : il a ainsi trouvé l’art de se rendre invisible.
  2. La partie ouest de l’île de Texel fournissait en 1853 quarante petits bateaux chargés de disputer ces coquillages aux vents et aux marées. Les habitans de l’Ile s’occupaient de cette pêche pendant une partie de l’année et obtenaient 590,000 huîtres, dont la Venté s’élevait à 6,000 florins. Dans la Zélande, la pêche des moules et des huîtres se faisait à Bruinisse en 1833 avec soixante-dix bateaux. On tire ces coquillages hors de la mer dans des filets à mailles de fer. Un poissonnier de La Haye me racontait un jour ses tribulations et son désappointement à propos d’une entreprise qui se présentait d’abord sous d’heureux auspices. Les pêcheurs de Scheveningen étaient venus lui rapporter qu’ils avaient découvert à quelque distance de la côte un banc d’huîtres. Le marchand, séduit par cette perspective, fit acheter dans la Zélande tout un matériel considérable et s’embarqua lui-même avec les pêcheurs pour diriger l’expédition. On rencontra le banc d’huîtres à l’endroit indiqué ; mais les bâtimens de Scheveningen n’étaient pas construits de manière à réussir dans cette nouvelle manœuvre. Ils ne se trouvèrent ni assez forts ni assez profonds pour résister au roulis de la mer ; ballottés par le mouvement des vagues, les filets ne firent qu’effleurer le banc d’huîtres, qui demeura insaisissable, il fallut abandonner cette mine, qui promettait des résultats si fructueux. Le marchand revint avec une douzaine d’huîtres qui lui avait coûté 6,000 florins. « Et pourtant, ajoutait-il, le banc est encore là ! » Cette industrie est d’ailleurs pleine de hasards ; il y a des hivers où dans les parcs le propriétaire perd jusqu’à dix mille huîtres d’un coup. Ces chances expliquent le prix élevé de ce mets, fort recherché sur les tables riches de la Hollande.