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études à l’université de Leyde, sous Joseph Scaliger. Encore jeune, il éprouva le besoin d’affermir et de développer ses connaissances à l’école des voyages. L’Allemagne, la France et l’Italie lui présentèrent successivement un théâtre de faits qu’il observa en homme mûr pour la réflexion. Sur les bords de l’Arno, admis à la cour du grand-duc et introduit dans la société de la Crusca, il se familiarisa avec les meilleures productions de la littérature italienne. Dante lui apprit comment on tire une langue vulgaire des ténèbres de l’enfance, et ces leçons ne furent point perdues. De retour dans les Pays-Bas, Hooft témoigna un grand amour pour le langage de sa terre natale ; il se montra dès-lors soucieux de répandre dans le dialecte hollandais ce caractère d’éloquence et ces grâces de l’esprit qui relèvent d’autres idiomes. Retiré dans son château de Muiden, où il recevait une société choisie, Hooft se livrait alternativement aux joies sévères de l’étude et aux délassemens de l’amitié. Un de ses grands plaisirs était la musique. Les vieux murs, aujourd’hui noirs et chancelans, du château de Muiden ont plus d’une fois tressailli sous le timbre des voix les plus harmonieuses de l’époque. Les contemporains de Hooft vantent sa mémoire infatigable et son jugement. Dans les matières religieuses, il se montrait d’une tolérance rare pour le temps où il vivait. Un pasteur réformé, qui résidait à Muiden, avouait lui-même qu’il devait beaucoup, sous ce rapport, à la société de son hôte et de son ami. Lorsque ce ministre, homme excellent du reste, avait par hasard tonné du haut de la chaire contre les dissidens, Hooft l’invitait à sa table, et là il lui donnait de si bonnes leçons de charité, que le prédicateur s’adoucissait par degrés, apprenait à supporter les opinions de ses adversaires, et se montrait plus indulgent. Dans la conversation, le propriétaire du château de Muiden faisait preuve d’une affabilité exquise. Son extérieur, son costume et ses manières, qu’il ne voulut jamais soumettre aux caprices et aux fluctuations de la mode, exprimaient la vieille simplicité hollandaise, laquelle n’était d’ailleurs pas sans noblesse. Un homme d’une impartialité d’esprit si grande, d’une sagesse si antique, d’une condition sociale qui le mettait en rapport avec les principaux personnages de son temps, était naturellement préparé à écrire l’histoire. Hooft était poète, et même un des plus grands poètes de la Hollande, ce qui n’altérait point son jugement ; mais nous nous occupons surtout de l’historien. Versé dans les affaires de l’état, témoin des luttes glorieuses qui avaient tiré son pays du néant, enthousiaste de la grandeur politique et de la gloire maritime des Provinces-Unies, assombries pourtant par un nuage de sang, il entreprit un volumineux ouvrage auquel il donna le titre de Nederlandsche historien (histoire de la Néerlande).