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Déjà avant cette histoire plusieurs ouvrages, mémoires ou récits spéciaux sur les combats, les sièges, les événemens mémorables, avaient paru en Hollande et en Belgique. Il nous suffira de signaler l’Histoire des Événemens de 1500-1566, par Jacques van Wesenbeeck, conseiller pensionnaire d’Anvers, et les récits très détaillés de Bor et de van Meteren[1]. Tous ces ouvrages péchaient par la forme ; c’était le style prolixe et monotone des chroniques. Hooft vint, et la Hollande, qui avait tout dernièrement reconquis ses droits, retrouva aussi ses annales. Il avait préludé à la grande œuvre de sa vie en écrivant dès 1618 la vie de Henri IV, où l’on remarque une peinture vigoureuse du massacre de la Saint-Barthélémy. En 1626, Hooft commença enfin son histoire, Nederlandsche historien, à laquelle il consacra tout le reste de ses jours, jusqu’en 1647. Ses lettres, dont on vient de publier une nouvelle édition, attestent la peine incroyable qu’il s’est donnée pour se prémunir contre toute erreur. Il s’entourait des conseils et des lumières des hommes spéciaux, tels que Jacques Wytz, son ami Huygens, le père du grand géomètre, et quelques autres diplomates qui avaient eu une large part dans les négociations. Ce qui frappe dans cet ouvrage, c’est un air de vérité, de grandeur et de majesté historique. Seulement l’auteur, tout en fondant la langue nationale, ne peut s’isoler complètement des influences littéraires de son époque ; l’étude des auteurs classiques lui était trop familière pour ne point poursuivre et asservir sa pensée jusque sous la forme nouvelle qu’il voulait réhabiliter. L’imitation de l’antique a étouffé chez lui, du moins en partie, l’originalité qu’on aimerait à retrouver dans un historien primitif. On en jugera par quelques lignes qui servent d’exposition à son récit.


« J’entreprends d’écrire une histoire riche en vicissitudes et en incidens, terrible en batailles, en combats sur mer, en sièges, pleine d’une sombre animosité, agitée par la rébellion, pénible à raconter à cause des meurtres dont elle est souillée par l’oubli des droits de la guerre, histoire navrante par les cruautés commises même dans la paix. Des succès sur les puissances étrangères, des trêves ; des factions intestines et des guerres qui en surgissent ; les flammes tout à coup étouffées ; la paix de nouveau, mais non durable. Les habitans frémissant sous le fouet et poussés aux armes, des cités troublées, des églises violées, des provinces dévastées, la morale et la religion ruinées. Les hommes se frappant les uns les autres, et appelant sur eux les fléaux du ciel ; des tremblemens de terre, des maladies épidémiques, la famine, de sévères hivers, d’épouvantables inondations ; des villages, des bestiaux, des hommes submergés. Les chefs du gouvernement chassés ; des

  1. Pour les historiens nationaux ou étrangers qui ont écrit sur l’histoire de la Néerlande ou de la Belgique jusqu’au milieu du XVIIe siècle, on doit consulter l’ouvrage intitulé Bibliothèque des Historiens des Pays-Bas, par M. de Wind ; Middelbourg 1833.