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L’histoire de la marine hollandaise a été écrite par M. de Jonge[1]. Les traces de cette histoire maritime ne doivent cependant pas être cherchées uniquement ; dans les livres ; on en trouve à chaque pas des monumens visibles sur le sol de la Néerlande. En me promenant sur les quais d’Amsterdam, j’ai rencontré la petite maison du grand de Ruyter. Né de parens pauvres et obscurs, l’amiral ne rougissait point de son origine : il en parlait au contraire devant les personnages, les plus considérables de l’époque, et proposait son exemple aux simples marins comme un motif d’émulation. Tout enfant, il avait été envoyé à la mer en qualité de mousse. Ruyter conserva toute sa vie les mœurs et le train d’un modeste bourgeois. On cite de cette simplicité qui lui était naturelle quelques traits amusans. Le comte de Guiche raconte qu’un matin, se rendant au navire de l’amiral hollandais après la bataille des quatre jours, en 1666, il le trouva qui balayait lui-même sa cabine et qui donnait à manger à ses poules. Un tel caractère était aisément incorruptible. Il refusa plusieurs fois l’invitation qui lui était faite de se rendre près des cours étrangères. Cette grandeur personnelle ; ses victoires, les immenses services qu’il avait rendus à son pays, tout cela ne put le protéger contre la violence des mouvemens politiques soulevés dans les Pays-Bas par le grand duel du pouvoir exécutif et des états-généraux. Après le massacre des frères de Witt, cette maison qui logeait à Amsterdam le marin le plus habile de son siècle, l’homme qui en quatre jours, comme on disait alors, avait sauvé quatre fois son pays, cette maison, dis-je, fut assaillie par une multitude furieuse. La seule accusation qu’on eût à produire contre lui était son attachement aux de Witt. Sans le courage et la fermeté du capitaine de la garde bourgeoise, la maison de l’amiral eût été pillée. À quelque distance de cette humble habitation, où de Ruyter a passé, est dans l’Église-Neuve (Nieuwe Kerk) la tombe où il demeure maintenant. Les circonstances de sa mort doivent être rappelées. De Ruyter avait été envoyé dans la Méditerranée avec une flotte de dix-huit vaisseaux : il était attendu par un ennemi dont les forces consistaient en trente voiles. Vainement l’amiral hollandais représenta-t-il lui-même qu’il y avait de la témérité à exposer ainsi le drapeau des états, par un esprit de bravade, aux insultes de l’étranger. La seule

  1. A côté de cette histoire générale, il faut citer quelques monographies. Ainsi Brandt, pasteur des remonstrans à Amsterdam, biographe de Hooft, dont il avait été le contemporain et l’ami, célèbre par une Histoire de la Réformation, a raconté la vie de Ruyter. M. van Kampen a consacré une étude à Tromp, et les Evertsen ont trouvé un biographe dans l’historien même de la marine hollandaise. On ne saurait non plus passer sous silence les Hollandais au Brésil, notice historique sur les Pays-Bas et le Brésil, par P. M. Netscher ; La Haye 1853.