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S’appuyant sur la même amitié et le même crédit, Philothée prêchait dans Rome à tout venant ses dogmes en horreur aux orthodoxes, suscitait des disputes, appelait à son aide tout ce que la ville contenait de chrétiens dissidens, et les engageait à tenir des assemblées où l’on discuterait toutes les doctrines ; l’inquiétude gagna l’église romaine. Non-seulement le pape Hilaire adressa là-dessus à l’empereur des observations particulières ; mais il l’interpella publiquement dans l’église de Saint-Pierre, et lui fit promettre avec serment, en présence des fidèles, qu’il n’autoriserait point de pareilles nouveautés dans la ville des apôtres. Ces faits, qui n’avaient réellement que peu d’importance, en prirent beaucoup dans l’esprit du peuple, parce qu’ils venaient d’un Grec, et qu’ils choquaient les mœurs occidentales.

Anthémius fit un meilleur emploi des lumières et de la libéralité de son esprit en améliorant les lois. Il arrivait fréquemment, dans l’état de trouble perpétuel où vivait la société, que des biens dévolus au fisc impérial, à titre de confiscation ou de déshérence, étaient reconnus tôt ou tard appartenir à des maîtres, certains qu’on en avait dépouillés. Quand ces biens se trouvaient toujours entre les mains de l’état, la restitution pouvait s’en faire aisément sous un prince équitable ; mais s’ils avaient été concédés à des tiers par la libéralité des empereurs, la question présentait plus de difficulté. Une loi de Constantin prononçait que, dans ce cas, la donation subsisterait, sauf au prince à dédommager les intéressés comme bon lui semblerait. Frappé de l’injustice de cette décision, Anthémius consulta Léon sur la convenance qu’il y aurait à la réformer. La question se posait entre le droit de la propriété et le respect dû aux actes du prince ; Léon n’hésita pas à se prononcer en faveur du premier. Il jugea que les particuliers devaient être reçus à poursuivre la restitution de leur chose, nonobstant toute donation qui en aurait été faite par un empereur. « En effet, dit-il (et ce sont les termes de la loi), l’équité et la justice devant toujours accompagner les actions des souverains, rien ne convient mieux à la majesté du prince que de conserver à chacun ce que le droit commun lui assure. Un bon prince ne se croit permis que ce qui est permis aux simples particuliers ; il ne doit point transformer en droit une libéralité contraire aux lois, de peur que l’un ne se réjouisse d’être enrichi de ce qui ne lui appartient pas, et que l’autre ne pleure de se voir privé de ce qui est légitimement à lui. » Nobles paroles qui caractérisent bien la législation du temps, empreinte généralement d’un grand esprit d’équité, comme si la société près de se dissoudre songeait à fortifier le droit individuel. L’humanité, chassée des faits par la spoliation et la violence, cherchait un asile dans les lois.

Cependant le mauvais succès de l’expédition d’Afrique et avant