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expositions. Ils se préoccupent du côté commercial de leur profession presque autant que de l’agrandissement de leur renommée. Ils envoient tout ce qu’ils ont dans leur atelier au lieu de faire un choix. Or, si nous tentions d’estimer le mérite de toutes les œuvres qui sont exposées dans le Palais de l’Industrie, nous aurions devant nous une tâche décourageante, et si nous arrivions à réaliser notre dessein, nous serions obligé de répéter vingt fois la même pensée, car si les œuvres sont nombreuses, les talens originaux ne se comptent pas par centaines. C’est pourquoi, docile aux conseils du bon sens, nous ferons un choix. Nous croyons très inutile de passer en revue tout ce qui est offert aux regards de la foule. La discussion, pour intéresser, doit être circonscrite dans des limites étroites. Si elle veut embrasser un grand nombre de points, elle fatigue sans instruire. Parler de tous les tableaux envoyés au salon de 1857 serait d’ailleurs nous associer à la pensée que nous blâmions tout à l’heure, pensée purement mercantile. Le salon n’est pas institué pour le placement, c’est-à-dire pour la vente des produits d’une industrie qui s’appellerait peinture, mais pour montrer où en sont les arts du dessin. L’envisager autrement, c’est ne pas comprendre ce qu’il signifie. Que les peintres vendent à des conditions avantageuses le fruit de leurs travaux, rien de mieux ; qu’ils s’enrichissent par l’exercice de leur talent, c’est une chose que nous devons souhaiter. Cependant le salon n’est pas une exhibition commerciale, et nous verrions sans regret diminuer le nombre des ouvrages exposés. L’important n’est pas de montrer quelques milliers de tableaux, mais de nous présenter des compositions qui se recommandent tout à la fois par la nouveauté de la pensée, par la pureté de la forme. Ce que je dis aujourd’hui, d’autres l’ont déjà dit avant moi. Si je le répète, c’est que je vois la sympathie publique pour les arts du dessin s’attiédir à mesure que les expositions deviennent plus fréquentes. Les œuvres conçues à loisir, capables d’agir sur le goût public, sont d’autant plus rares, que le salon, dans la pensée des peintres, n’est pas une occasion d’agrandir ou de fonder sa renommée, mais une occasion d’entamer ou d’achever une bonne affaire. Il y a malheureusement une classe de spectateurs qui prend la curiosité pour un signe d’intelligence, et qui veut tout voir pour prouver qu’elle aime la peinture. La critique a souvent témoigné trop de complaisance pour ces curieux acharnés : elle s’occupe de compositions sans valeur, sans portée, pour satisfaire l’avidité des lecteurs qui tiennent à tout connaître, sinon directement, au moins par ouï-dire. Or, à notre avis, parler de tout équivaut à ne parler de rien. La discussion, en s’éparpillant, finit par s’amoindrir au point de ressembler à une nomenclature.