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ce mot, ou à lui donner le sens le plus restreint possible ; le parti ultra-protestant veut qu’il soit entendu dans le sens le plus large et le plus marqué, et il demande en définitive l’établissement des écoles séparées. Des amendemens ont été présentés pour donner satisfaction à ces opinions diverses. Le gouvernement, quant à lui, s’est placé entre tous les partis, et s’il maintient le mot de « vertus chrétiennes, » qu’il a inscrit dans la loi, il s’est en même temps efforcé de rassurer toutes les consciences, toutes les opinions, en expliquant comment ce qu’il entendait par ces mots n’avait rien d’incompatible avec toutes les religions et tous les cultes. Ce qu’il veut, c’est l’élément chrétien sans l’esprit de prosélytisme et l’esprit de secte. Par ses explications, le ministère a réussi à convaincre la majorité, et la solution qu’il proposait vient d’être adoptée. Tout dépend aujourd’hui de l’exécution de la loi. La politique intérieure de la Hollande se trouvera ainsi débarrassée d’une difficulté des plus épineuses, qui pèse sur elle depuis quelques années déjà. Une autre question qui préoccupe les Hollandais au moins autant que celle de l’enseignement, parce qu’elle touche aux conditions mêmes de la prospérité publique, c’est la question coloniale. Sous l’influence du système en vigueur à Java et partiellement à Sumatra, celui de la culture pour le compte du gouvernement, on a vu les forces productives de ces riches possessions prendre un développement rapide, qui explique l’état florissant des finances, du commerce et de l’industrie de la métropole. Sur ces questions coloniales, il y a cependant des opinions sinon opposées, du moins très divergentes. Le parti jusqu’ici le plus fort tend à conserver et à consolider le système actuel en le perfectionnant, en supprimant les excès ou les abus qui pourraient en découler. Un autre parti au contraire, plus hardi d’opinions, plus désireux d’innovations, réclame une organisation nouvelle des possessions de l’Inde : il demande qu’on remplace la corvée par le travail libre, qu’on fortifie l’élément européen au moyen d’un système de colonisation par l’émigration volontaire ; qu’on transporte aux Indes les indigens, les condamnés. Ces idées, qui semblent si simples, sont-elles d’une réalisation toujours facile ? Il s’est élevé plus d’une objection. On a dit que le travail de la terre serait impossible pour l’Européen sous la zone torride, que le prestige de la race supérieure s’affaiblirait par le mélange des prolétaires européens avec les indigènes, que les dépenses pour le transport et l’établissement des colons seraient entièrement perdues ; on objecte en un mot des difficultés physiques, politiques et financières. Cette lutte d’opinions ne s’est point bornée d’ailleurs à une simple controverse : des projets positifs se sont produits et ont été l’objet d’une pétition adressée au roi. Alors le gouvernement, pour éclairer cette question, s’est décidé à nommer une commission qui va être chargée d’approfondir tous ces problèmes de la vie coloniale. Dans cette commission figurent des membres des états-généraux, un conseiller d’état, un professeur de médecine, d’anciens employés ou officiers supérieurs du service colonial, et le président est M. Rochussen, ancien gouverneur-général des possessions néerlandaises dans l’Inde. C’est donc une œuvre sérieuse que va faire cette commission, et ses travaux n’intéresseront pas seulement la Hollande, ils intéresseront tous les pays qui cherchent comme un supplément à leur propre grandeur dans des colonies prospères et florissantes.

CH. DE MAZADE.