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Déjà Louis XII avait fait nettement consigner dans la première ordonnance de Blois le principe que toute justice émanait du trône, et que le prince pouvait toujours l’y ramener comme à sa source. En multipliant les parlemens sur les points principaux du territoire, les princes de la maison de Valois atteignirent le double but de réduire l’influence, de plus en plus sensible, de ces grandes compagnies, et de donner des organes officiels à la pensée royale dans les provinces les plus reculées. Par la fondation d’un premier degré de juridiction et la création des présidiaux, ils préparèrent, cinquante ans plus tard, l’unité de jurisprudence et une division plus rationnelle des circonscriptions judiciaires. Les coutumes furent recueillies et codifiées par des commissaires, savans jurisconsultes, tous dévoués à la pensée royale, et le conseil d’état, modifié dans un sens monarchique, vint dominer les parlemens, en s’attribuant le droit de fixer les juridictions et de retenir certaines affaires à cause de la présence dans son sein du monarque, racine vivante de toute justice.

L’œuvre à laquelle travailla Louis XII avec une sorte de bonhomie populaire fut achevée par François Ier. Ce monarque théâtral porta dans les actes de l’administration, comme dans les résolutions principales de la politique, ces allures chevaleresques qui masquèrent sans les adoucir les inspirations d’un système impitoyable. Saint Louis avait aspiré à faire de la royauté une sorte de providence terrestre, à laquelle les peuples pussent adresser un recours rare, mais assuré. François Ier la transforma en un pouvoir présent toujours et en tout lieu ; quant aux divers pouvoirs existans, il leur fit la guerre, plus préoccupé de les détruire que de les dominer. La royauté nouvelle devint un Argus aux cent yeux et un Briarée aux cent bras. Rien n’exista désormais que par le bon plaisir du roi et dans la plus étroite dépendance de sa personne. Pendant que la noblesse était attirée à la cour par l’appât de la guerre et des plaisirs, le concordat de 1516 lui livrait la pleine dispensation des dignités ecclésiastiques. Le roi put faire asseoir ses créatures sur les sièges épiscopaux en même temps qu’il nommait des gouverneurs pour le représenter directement dans ces provinces lointaines, soumises si longtemps à l’autorité directe des grands vassaux. L’activité de François Ier s’étendit à tous les détails de l’administration ; tout aboutit à son trône, comme au centre unique de la vie nationale. Il entreprit, non sans succès, de placer sous sa main les arts et les lettres, aussi bien que les finances et la justice. Les ordonnances de Crémieux et de Villers-Cotterets, dont l’une réduisit aux plus étroites limites la juridiction ecclésiastique, dont l’autre porta le dernier coup aux justices seigneuriales, furent, du premier au dernier de leurs articles,