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comme de notre génie national. Ainsi encore, par des encouragemens donnés à bonne intention, se desséchait en son germe l’esprit d’entreprise qui a si constamment manqué à la France, et l’abdication industrielle suivait l’abdication politique. Pendant que la nation remerciait la royauté de faire ses propres affaires en se chargeant de soins qu’il lui répugnait de prendre, les idées se précipitaient dans le même sens que les intérêts, et les jurisconsultes comme les historiens s’efforçaient de faire pénétrer le principe de la prépondérance monarchique dans les lois, dans les lettres, et jusque dans la théologie. L’esprit des Pithou passait des pages de la Ménippée dans les thèses de la Sorbonne, et l’on voyait les Pasquier, les De Thou et les Loysel appeler de leurs vœux et préparer par leurs savans écrits l’unité de la législation civile, ce dernier complément de l’unité politique.

Il était réservé à Richelieu d’imprimer à l’administration de l’ancien régime le caractère définitif qu’elle a conservé sans altération sensible jusqu’en 1789. Après avoir supprimé les dernières dignités d’origine féodale qui impliquaient encore une sorte de pouvoir indépendant, notamment celles de connétable et de grand-amiral, après avoir transformé les gouvernemens de province en lucratives sinécures, le cardinal donna au conseil d’état, en 1630, une nouvelle organisation à laquelle Louis XIV lui-même ne trouva presque plus rien à changer ; puis, par une intuition d’une admirable justesse, il créa les intendans, fonctionnaires ardemment dévoués au pouvoir central, ennemis nés de tous les droits comme de toutes les existences historiques, et qu’on voit grandir à pas de géant dans leur importance sans éclat et leur modeste ubiquité. Ce système, d’abord partiellement appliqué, ne tarda pas à s’étendre à tout le royaume, et la plupart des pays d’états durent s’y soumettre, comme les pays dits d’élection. Dans chaque généralité dont la circonscription correspondait en moyenne à celle de deux de nos départemens, le gouvernement central eut un fonctionnaire, sorti ordinairement du rang des maîtres des requêtes, qui fut représenté lui-même par des subdélégués au sein du plus grand nombre des villes, devenues de nos jours chefs-lieux de sous-préfecture. L’intendant exerçait toutes les attributions dévolues aujourd’hui aux préfets. Comme tuteur des communes, il approuvait ou rejetait les dépenses communales, et la lecture des documens recueillis par M. Depping constate que dans le cours du XVIIe siècle ces fonctionnaires ne se livraient pas, sur les affaires locales, à des investigations moins minutieuses que celles dont nous nous plaignons de nos jours, et que la solution des questions les plus usuelles ne réclamait pas de moins longs délais. Avec le concours des ingénieurs du corps des