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vallons d’une douce verdure contrastent avec l’âpreté des roches environnantes. D’un côté se succèdent des collines que le regard peut suivre jusqu’aux extrémités de l’horizon, grâce à la transparence de l’air ; d’une autre part, les eaux de la mer, bleues comme le ciel qui les surmonte, semblent dormir dans des golfes profonds. Aux heures où le soleil monte ou s’abaisse, alors que les premiers plans, en général trop dénudés, sont cachés dans la pénombre et que les montagnes se parent de mille couleurs, on croirait contempler quelque tableau d’une beauté trop grande pour des yeux mortels.

On s’explique alors comment les Grecs ont pu croire leur contrée digne d’avoir été le séjour des dieux. La religion, comme le sentiment esthétique, a dû subir l’influence de la disposition physique du pays. La Divinité s’identifia, pour ainsi dire, avec le sol hellénique : chaque montagne, chaque fontaine devint l’objet de quelque mythe religieux. Les simulacres de Jupiter, de Minerve et d’Apollon s’élevaient sur les trois grandes chaînes de l’Attique. Si l’on gravit la colline de la tribune aux harangues, dite tribune de Démosthènes, on voit ces montagnes qui semblent enfermer la ville d’Athènes. Au centre des maisons de cette antique cité s’élance le monticule de l’Acropole, renfermant le Parthénon avec tout ce que les Athéniens avaient de plus sacré. Près de là s’élèvent deux éminences, l’une où siégeait l’aréopage, l’autre que surmonte le temple de Thésée. Forcés par la nature des lieux d’avoir devant leurs regards les temples des dieux et des héros, les citoyens ne devaient-ils pas sentir se développer en eux les sentimens d’un religieux patriotisme ? Encore aujourd’hui le voyageur ne monte pas les degrés de la tribune aux harangues, d’où l’on découvre ce spectacle, sans que son cœur n’ait quelque battement pour la Grèce de Thémistocle et de Périclès. C’est à cette tribune, en face d’un pareil tableau, que Démosthènes devint orateur, et l’on indique à quelques pas de là le cachot où Socrate but la ciguë, martyr de ses convictions philosophiques.

Les régions imposantes de l’Olympe furent réputées l’ancienne habitation de Jupiter. Apollon et les Muses furent placés sur l’Hélicon et le Parnasse, deux montagnes qui s’élèvent au-dessus de la terre autant que la poésie nous élève au-dessus de la vie vulgaire. Du haut de leurs sommets, on embrasse Corinthe et son golfe, jeté entre le Péloponèse et l’Hellade : grâce, douceur, majesté, tout est réuni dans ce panorama. Cérés, déesse de l’agriculture, fut honorée dans les fertiles campagnes d’Eleusis. Minerve, personnification de la sagesse, régna sur la plaine d’Athènes, dont tous les détails sont si merveilleusement ordonnés. C’est enfin dans les gorges sauvages de la Phocide que la Divinité se communiqua aux hommes. J’ai vu