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point, ainsi qu’on pourrait le croire aujourd’hui, un obstacle à cette unité de direction, caractère éminent du gouvernement de Louis XIV. Chacun d’eux rapportait en effet les affaires concernant les provinces de son ressort dans le conseil des dépêches, tenu devant le roi, où toutes les résolutions étaient prises et libellées. Bientôt d’ailleurs l’infatigable activité de Colbert eut absorbé la presque totalité des affaires administratives, parce que celles-ci se résolvaient à peu près constamment en questions financières, soit pour l’approbation des dépenses, soit pour l’apurement des comptes.

Les conseillers d’état et les maîtres des requêtes, ces hommes qui sont tout dans l’histoire de ce temps, et que l’on y aperçoit à peine, selon l’observation de M. de Tocqueville, composaient en réalité les deux corps au sein desquels venait se concentrer toute l’administration du royaume, Le conseil des finances déterminait souverainement la nature et la quotité de l’impôt depuis que les états-généraux n’étaient plus qu’un souvenir, et que la déclaration royale de 1665 avait fait perdre aux parlemens le droit de remontrance. Ce conseil opérait par généralité le répartement de toutes les charges, sans autres observations que celles des intendans, sauf le droit à peu près stérile de députer en cour, réservé aux pays d’états. Le conseil des parties exerçait, outre les attributions contentieuses données aujourd’hui à notre premier corps administratif, les droits les plus élevés de la souveraineté et de la justice. Il rendait des arrêtés d’évocation, fixait les juridictions par le droit de committimus, et, transformé parfois en une sorte de cour de cassation où le bon plaisir royal tenait, il faut bien le dire, la place de la loi, il annulait les arrêts des parlemens, lorsqu’ils étaient contraires à sa propre jurisprudence. Entre tous ses droits souverains, il n’en est pas dont Louis XIV ait mis plus de prix à constater l’usage, et l’on sent percer les plus amères rancunes de sa jeunesse dans les fières paroles qu’il adresse au dauphin au commencement de ses Mémoires : « L’autorité des parlemens, qu’on regardait comme opposée à la mienne, produisant de très méchans effets,… je leur fis défense de rendre, des arrêts contraires, à ceux de mon conseil, en quelque circonstance que ce pût être. »

On le voit, jamais pouvoir ne fut plus absolu dans ses principes, plus concentré dans son action que celui de ce prince. À ce mécanisme conduit par un seul moteur, se rattachait un réseau de fonctionnaires provinciaux aussi nombreux que de nos jours. Trésoriers de France et secrétaires du roi, élus, jurats, échevins, maires et consuls, collecteurs et gabelous, contrôleurs pour toutes les transactions commerciales, éclos, aux premiers temps de Mazarin, du génie fiscal d’Émery, intendans d’administration, d’armée et de