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dernier siècle, en-deçà de l’Orange seulement que s’exécutent les travaux d’investigation ; ils s’étendent bien au-delà de ce fleuve. De tels résultats servent trop bien la science pour qu’avant de raconter les dernières recherches faites dans l’Afrique australe, il ne convienne pas de dire quelques mots des deux classes d’hommes également intrépides qui la parcourent, les chasseurs et les missionnaires.

Il y a vingt ans déjà, le capitaine Harris, officier au service de la compagnie des Indes, s’en allait, au fond du pays des Cafres, livrer une guerre acharnée aux lions, aux éléphans, aux autruches ; mais n’oublions pas que Levaillant, dès le siècle passé, avait cherché dans l’Afrique australe les émotions de la chasse et des courses lointaines. Le capitaine Harris ne faisait donc que suivre l’exemple donné par cet homme aventureux, et il trouva lui-même de nombreux imitateurs. Il y a quelque temps, on racontait ici même les curieux voyages du chasseur d’éléphans Wahlberg[1] ; on rappelait aussi les excursions de notre compatriote M. Delegorgue, qui se lançait jusqu’au tropique du Capricorne, à travers les tribus Amazoulous, à la poursuite de l’antilope noire, abattant dans le trajet maint rhinocéros et maint hippopotame. M. Gordon Cumming, intrépide chasseur né dans les montagnes de l’Ecosse, venait à son tour s’enivrer de la liberté sans limites « dont on se sent en possession, dit-il, quand on a mis le pied sur cette terré sauvage. » Les relations qu’ont écrites ces vaillans sporstmen, à quelques exagérations près, ont leur utilité et leur intérêt. La faune et la flore des régions austro-africaines s’y trouvent amplement décrites, et nous y remarquons des détails nouveaux sur les mœurs, les usages, le caractère des tribus dont se composent les deux grandes familles des Cafres et des Hottentots. Quant aux découvertes géographiques, on ne peut guère les attendre d’hommes qui se sont proposé un tout autre but, et qui sont forcés de se faire accompagner par de lourds chariots, traînés par des douzaines de bœufs, pour avoir sous la main leurs armes, leurs bagages, et pour rapporter des dépouilles et des collections.

Ces explorations, ces longs voyages, que les chasseurs ne pouvaient pas entreprendre, les missionnaires les ont accomplis en partie. Il n’y a pas, à vrai dire, un plus rude labeur que celui auquel se livrent les missionnaires européens en Afrique. Les missions établies jadis au cap de Bonne-Espérance par les frères moraves sont placées aujourd’hui sous la direction du culte évangélique. Bien que de temps en temps elles avancent de quelques lieues sur la terre sauvage, et paraissent reculer les dernières étapes de la civilisation, elles n’obtiennent que de bien minces résultats au milieu de peuplades barbares auxquelles les notions de morale et de religion sont tout à fait étrangères. L’un des missionnaires qui ont déployé en Afrique le plus d’activité, M. Moffat, a publié un ouvrage où l’on peut suivre les vicissitudes et les misères de cette vie d’abnégation et d’épreuves. M. Cumming, le dur chasseur dont les habitudes sont si étrangères à celles de ces hommes de paix et de religion, nous les représente de son côté comme voués à des fatigues

  1. Voyez sur Wahlberg la Revue du 1er juillet 1857, et sur Harris la Revue du 15 janvier 1843.