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littoral, on imaginait qu’elle devait former du Congo au fleuve Orange et à la côte de Mozambique un plateau, une espèce de Sahara inculte auquel on parvenait par les rampes de la triple chaîne des Lupata, des montagnes du Congo et du Cap. Loin de là, on voit que ces montagnes dessinent un vaste bassin, que des lacs et des cours d’eau inondent et fertilisent, et qui fut peut-être autrefois tout entier sous les eaux. Cette supposition est en partie confirmée par la certitude récemment acquise qu’une véritable mer, aussi large au moins que la Caspienne, s’étend de l’équateur jusque vers le douzième parallèle sud.

Depuis un temps très reculé, on savait vaguement que sur une partie du vaste espace qui compose l’Afrique australe devait se trouver une large nappe d’eau. Les cartographes y ont longtemps promené à leur fantaisie, en lignes indécises, un lac tantôt incliné vers l’ouest, et tantôt vers le nord, auquel ils donnaient les noms de Maravi et quelquefois de Nyassi. Il y a onze ans, M. Cooley publia dans le Journal de la Société géographique de Londres tous les documens qu’on possédait alors au sujet de ce lac, sans cependant réussir à en préciser l’étendue et l’emplacement. Quelques renseignemens vagues dus en 1852 à une troupe d’Arabes ne changèrent point l’état de la question Ces hommes étaient partis de Zanzibar et avaient traversé l’Afrique dans toute sa largeur jusqu’au Benguela. Ils racontaient qu’à une assez grande distance de la côte ils avaient atteint un grand lac, qu’ils avaient franchi au moyen d’un radeau, et sur lequel ils étaient restés un jour et une nuit. De telles notions ne pouvaient qu’éveiller la curiosité sans la satisfaire. Enfin un missionnaire anglais, M. Ehrardt, collègue de MM. Krapf et Rebmann, explorateurs de la région équatoriale, résolut d’éclaircir ce fait important. Il se transporta de Monbas sur un point plus méridional de la côte. Là, ne pouvant tenter de pénétrer en personne dans une région lointaine et d’un accès difficile, il interrogea un grand nombre des naturels et des Maures qui font le commerce entre la côte et l’intérieur. Des récits divers qu’il obtint, discutés et éclairés l’un par l’autre, il tira les notions suivantes, qui sont assez précises pour présenter des caractères suffisans de certitude.

Les trafiquans qui vont de la côte à l’intérieur suivent communément trois routes, qui toutes trois mènent à une mer appelée par ses riverains, selon les divers points, Niandsha, Ukèrévé, Nyassa, Bahari et Uniamesi. Ce dernier nom paraît être le plus général et le plus répandu. Les trois points de la côte d’où partent les caravanes pour aller acheter dans les régions intérieures de l’ivoire et des esclaves sont : 1° Tanga et Pangani, en face la pointe septentrionale de l’île de Zanzibar ; 2° Baga-Moyo, situé à une trentaine de lieues plus au sud ; 3° la ville de Quiloa, au midi de la côte de Zanguebar. Des caravanes de cinq cents à huit cents hommes, Maures ou Souahelis, quittent la côte, portant des perles de verre, du fil d’archal et des cotonnades américaines, qui servent à leurs échanges. Celles qui partent de Tanga atteignent de hautes montagnes, Plus loin, le pays devient aride, le sol pierreux est mêlé de soufre et sillonné de sources chaudes ; c’est après huit jours de marche au-delà de ce pays désolé qu’on atteint la grande mer, laquelle s’étend au loin sans que nulle part on voie ni ses rivages, ni aucune île. Les vagues montent très haut, les eaux sont douces et poissonneuses.