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Ces tergiversations, qui dénotent une si singulière faiblesse, ou qui sont d’une habileté douteuse, ne pouvaient avoir qu’un résultat. M. Vogoridès, persistant dans son système, a fait procéder, aux élections en Moldavie comme il l’avait décidé. Or veut-on prendre une idée des moyens que le gouvernement a mis en usage pour préparer les listes électorales ? Il envoyait aux municipalités une liste en blanc, au bas de laquelle le maire devait mettre sa signature. Une fois en possession de cette liste signée d’avance, le gouvernement lui-même la remplissait comme il l’entendait. De plus, on estime que le clergé aurait dû avoir trois mille électeurs ; le nombre des électeurs inscrits était de quatre cents, et le nombre des votans paraît avoir été de dix-sept, ce qui s’explique sans doute par une abstention volontaire. On peut dès-lors se représenter ce que peut être ce divan moldave élu sous les auspices de M. Vogoridès. Au surplus, le résultat même n’est rien ici ; il n’aurait pas été vraisemblablement, dans les circonstances actuelles, plus favorable à l’union, si les élections avaient été retardées de quinze jours. Le fait grave, c’est que M. Vogoridès a méconnu de propos délibéré l’autorité d’une résolution adoptée en commun par la conférence européenne réunie à Constantinople le 30 mai, c’est qu’il’a composé ses listes électorales sans attendre les décisions des commissaires de l’Europe rassemblés, à Bucharest, ainsi qu’il avait du en recevoir l’ordre du cabinet turc lui-même. C’est là ce qui constitue une série d’irrégularités qui infirment devance l’autorité du divan récemment élu. Maintenant Rechid-Pacha soutiendra-t-il la validité des faits accomplis ? Il se met alors en contradiction avec les décisions de la conférence du 30 mai, décisions auxquelles la Porte a pris part ; il sanctionne les violences commises par une autorité subordonnée en définitive au gouvernement du sultan, et il s’avoue le complice de W. Vogoridès, à qui il aurait transmis ostensiblement les instructions de la conférence, sauf à lui transmettre en secret l’ordre de n’en point tenir compte. Pour peu qu’on presse ces faits, il est facile d’en déduire une conséquence naturelle : c’est qu’il y aura certainement, s’il n’y a déjà eu, une protestation nette et péremptoire de la France, de la Russie, de la Sardaigne et de la Prusse contre les opérations électorales qui viennent d’avoir lieu aussi bien que contre l’existence de ce divan qui a été si étrangement nommé en Moldavie. Ainsi cette question des principautés ne fait que se compliquer, au lieu de s’aplanir par la simple et loyale exécution de stipulations solennelles.

Quant aux insurrections qui ont éclaté à la fois sur divers points de l’Italie, à Gênes, à Livourne, à Sapri ; sur les côtes de Naples, elles ont fini aussi tristement qu’elles avaient commencé ; elles ont été réprimées partout avec une promptitude qui dénote les illusions dont se nourrissent les révolutionnaires de l’Italie et de tous les pays. Ces insurrections se sont trouvées subitement éclairées par une sorte de testament politique du chef du soulèvement tenté à Naples, du colonel Pisacane. Ce document est comme une lumière qui jaillit après ces tristes événemens. On peut le voir, il ne s’agit nullement de travailler à l’amélioration vraie et sérieuse de l’état de l’Italie. Une politique plus libérale, des constitutions ne sont que des remèdes sans portée. Mettre les Autrichiens hors de la Lombardie, cela ne vaut pas le plus petit sacrifice. Le régime constitutionnel du Piémont est plus nuisible à l’Italie que le gouvernement le plus absolu. Les conspirations, les complots, les