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SALON DE 1857

LA SCULPTURE



La sculpture semblerait devoir échapper aux caprices de la mode. La nature même du but qu’elle se propose la place dans une région supérieure. Parmi les arts du dessin, c’est le plus chaste et le plus idéal. En demeurant fidèle aux conditions acceptées et proclamées par les grands maîtres, la sculpture se déroberait à l’inconstance du goût public, ou du moins pourrait la combattre avec autorité ; mais elle est entrée maintenant dans une voie aussi périlleuse que la voie suivie par la peinture. Aujourd’hui le maniement du ciseau relève de la mode, comme le maniement du pinceau. C’est un fait entouré désormais d’une pleine évidence. Quant à l’explication, elle n’est pas difficile à trouver : la sculpture de notre temps, je parle de la sculpture française prise dans son ensemble, s’est soumise au contrôle du premier passant en abandonnant la tradition grecque, italienne et française, pour l’imitation littérale du modèle vivant.

Je ne veux, bien entendu, exprimer ici aucune opinion absolue. Il y a dans l’école française de nos jours des exceptions que je n’ai pas besoin de rappeler. Il me suffira de citer le nom de Simart, qui vient de mourir dans la force de l’âge et dans la maturité du talent. Formé par les leçons de Pradier, par les leçons de M. Ingres, Simart comprenait toute l’importance de la tradition, et quoiqu’il ne fût pas doué de facultés très hautes, quoique son éducation première eût été fort négligée, il était parvenu par un travail obstiné à réparer le temps perdu. Depuis son Oreste poursuivi par les Euménides jusqu’à