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guère moins connus que le musée du Louvre. Si M. Chabaud veut prendre dans la sculpture une place de quelque valeur, je lui conseille de ne pas copier les modèles antiques, surtout de ne pas les travestir. Si la copie est littérale, c’est comme s’il n’avait rien fait ; si elle est infidèle, c’est pis encore, c’est moins que rien. Il vaudrait mieux cent fois ne pas quitter la France que de revenir avec un pareil bagage.

M. Guillaume, dont les Gracques avaient obtenu un très légitime succès, malgré l’imperfection de la fonte, s’est détourné de ses études habituelles pour travailler à la décoration de Sainte-Clotilde. Je n’ai pas à parler ici de l’église commencée par M. Gau et achevée par M. Ballu. Est-il sage de faire aujourd’hui des églises gothiques ? C’est une question que nous examinerons un autre jour. Les quatre bas-reliefs composés par M. Guillaume, et dont les sujets sont empruntés à la vie de sainte Clotilde et à la vie de sainte Valère, se recommandent à la fois par l’élégance et par la gravité. Nourri de fortes études, formé d’abord à l’école de Pradier, et plus tard initié aux secrets de l’art antique par son séjour en Italie, M. Guillaume est un des rares lauréats qui n’ont pas perdu leur temps, et qui ont compris toute la valeur des loisirs que leur fait la munificence du pays. Il n’a pas confondu la liberté du travail avec l’oisiveté. Il recueille aujourd’hui les fruits de sa persévérance : sujets chrétiens, sujets païens, il peut tout aborder, et quelle que soit la donnée qu’il traite, il est sûr d’intéresser, parce qu’il n’entreprend jamais une œuvre nouvelle sans avoir mûrement réfléchi sur ce qu’il veut faire. Ce que j’aime dans ses bas-reliefs de Sainte-Clotilde, c’est qu’il a su concilier la ferveur de l’expression avec l’harmonie des lignes. Il n’a pas essayé de se faire ignorant pour paraître naïf, et ce mérite, qui semble vulgaire, n’est pas à mes yeux dépourvu d’importance. Pour traiter dans un style pur et sévère des sujets empruntés au moyen âge, il faut plus que du bon sens, il faut du courage. Les archaïstes ne séparent pas le moyen âge de la sculpture gothique. Tous les événemens, toutes les légendes compris entre l’invasion des Barbares et la renaissance, leur semblent appartenir de plein droit à l’art dont le type est consacré dans nos cathédrales. M. Guillaume est d’un autre avis, et je l’en félicite. Il pense que le savoir doit trouver son application dans tous les sujets, à quelque date qu’ils appartiennent, et je crois que la raison est de son côté. Les épisodes qu’il vient d’emprunter à la vie de sainte Clotilde, à la vie de sainte Valère, traités dans le style gothique, n’offriraient qu’un médiocre intérêt. Traités dans un style pur, élégant, sévère, ils attirent et enchaînent l’attention. Les archaïstes diront que le style ne convient pas au sujet. Que M. Guillaume ne