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— fort illusoires quand il les reçut, — de comte de Rochester, vicomte Athlone (en Irlande) et baron Adderbury (dans le comté d’Oxford). Les lettres patentes lui en furent délivrées à la suite du moins méritoire, à coup sûr, de ses nombreux services. Il revenait alors de la diète de Ratisbonne, où il était allé solliciter pour son maître les secours de l’empereur d’Allemagne. Il n’en obtint, encore à grand’peine, qu’un don gracieux de quelques milliers d’écus, qui servirent sans doute à organiser la dernière expédition militaire à laquelle il devait prendre part : ce fut cette misérable insurrection des paysans du Hampshire dont il eut le commandement, de moitié avec sir John Wagstaff, et qui se trouva réprimée à Southmolton (mars 1654) par un seul escadron de cavalerie républicaine. Trois ans après, Henry Wilmot mourait à Cologne, et ses restes revenaient, comme nous l’avons dit, reposer dans la terre natale ; ceux des régicides ne furent pas traités avec tant d’égards, lorsque la cause royale eut triomphé après un nouveau laps de trois années.

Par cette mort, les titres de lord Henry Wilmot et ses droits à la reconnaissance des Stuarts passèrent sur la tête de son unique enfant, né dix années auparavant, et dont l’éducation s’était faite sous la direction d’une femme de tête et de cœur. Lady Wilmot (Anna Saint-Johns, veuve en premières noces de sir Francis Lee) avait eu un difficile problème à résoudre, et on doit, en bonne justice, la voyant y réussir, n’en pas faire honneur à elle seule. Femme d’un proscrit, d’un conspirateur émérite, bien décidé à ne jamais déposer l’épée, à user du poignard si le poignard seul peut avoir raison de l’ennemi victorieux, puisqu’elle vécut en paix avec son fils dans le manoir de famille, défendit avec succès contre les confiscations les domaines sur lesquels elle pouvait prétendre un droit dotal, et se préserva, elle et son enfant, de toute déchéance irréparable, il faut bien croire à la généreuse complicité du pouvoir. Pour qu’Henry Wilmot laissât ainsi en otage aux mains d’un usurpateur abhorré tout ce qu’il avait de plus cher au monde, — pour que, sachant sa femme et son fils sous la main du tyran, il n’ait pas hésité à continuer ses complots, ses manœuvres hostiles, — tantôt levant le drapeau de la guerre civile, tantôt s’associant à de sourdes et meurtrières menées, dont il est admis que Cromwell se préoccupait fort sérieusement, — il fallait, convenons-en, que la justice de ce dernier, — nous ne dirons pas sa clémence, — inspirât à ses plus ardens ennemis une confiance vraiment singulière. Et puisqu’elle n’a pas été trompée, il faut bien encore, si prévenu qu’on soit, reconnaître qu’il y a quelque chose à rabattre de cette animosité cruelle et de cette méfiance excessive, tant et tant reprochées au lord protecteur.

Quoi qu’il en soit, né à Ditchley, près de Woodstock, dans le