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refus, — Pépys et le chapelain en tombent d’accord, — fut l’impossibilité où se trouvait Cromwell de faire rentrer le roi sans le consentement de ses principaux officiers… « Il n’aurait jamais voulu, comme Monk, assurer sa position personnelle en compromettant celle d’autrui. » Ce simple jugement, porté par deux causeurs désintéressés au détour de quelque rue, fait, selon nous, plus d’honneur à Cromwell que tous les vers de Dryden n’en font à Charles II. Il atteste chez le protecteur un sentiment moral au-dessus de toute ambition, et quand on compare sa conduite à celle de Charles II acquiesçant à l’exécution de Montrose, on a, ce semble, la mesure relative de ces deux hommes. Au surplus, les esprits indépendans en jugeaient dès lors ainsi. Nous n’en voulons d’autre preuve que les plaintes de Downing, ancien diplomate de la république, qui fut envoyé auprès des états de Hollande pour réclamer l’extradition des trois membres du parlement dont nous avons raconté le supplice. Cet ambassadeur à toutes fins trouvait fort mauvais, nous dit Pepys, qu’on ne lui témoignât pas les mêmes égards, comme envoyé de Charles II, que lorsqu’il représentait le protecteur.

Donc, en bien peu d’années, la restauration avait ainsi établi son bilan : — violation flagrante des engagemens constitutionnels pris à Bréda, avilissement des chambres, tribunaux exceptionnels, tueries juridiques, profanation sacrilège des sépultures, prodigalités ruineuses, énervement des forces administratives, démoralisation universelle, désenchantement presque immédiat chez les clairvoyans, regrets donnés au passé, mépris profond des traîtres qui avaient livré la république dont ils étaient les agens. Encore laissons-nous de côté, — ne voulant pas anticiper sur les années qui suivirent, — ce grief sans nom, cette tache indélébile qui met sur un même niveau la mémoire de Charles II et celle de l’infâme cardinal Dubois, tous deux vendant à beaux deniers comptant les intérêts publics dont ils sont responsables.

À la cour maintenant. Nous autres Français, nous n’avons jamais si bien connu la cour d’Angleterre que sous Charles IL. Cependant que de détails ignorés ! et de ces détails qui la caractérisent le mieux ! L’esprit d’Hamilton est comme une essence subtile et magique, un breuvage de feu qui trouble la raison, éblouit le regard, transforme, embellit tout, orne jusqu’au vol, rend la grossièreté même élégante et presque de bon goût. On entrevoit bien derrière ces pages étincelantes quelques cloaques infects dont elles masquent les approches. Au milieu de ces filles d’honneur si légères et si audacieuses, de ces gentilshommes si railleurs et si téméraires, on se devine plutôt qu’on ne se sent en mauvaise compagnie, car enfin la vertu de miss Kirk (celle que Hamilton appelle la Warmestré), nous la